« Florida », little miss grisaille

Elizabeth Vernn devient à 7 ans reine de beauté. Sa mère la traîne dans tous les concours de mini-miss, et la fillette, en grandissant, n’a plus qu’une idée en tête : se venger de ses parents qui ont fait d’elle une bête de foire…

On l’a connu avec la révélation En attendant Bojangles, il a poursuivi sa trajectoire avec Pactum Salis, Olivier Bourdeaut délaisse aujourd’hui Guérande, le polar, le jazz, mais pas la folie, avec Florida. Comme son titre l’indique, c’est à Miami que l’auteur nous entraîne avec ce nouveau récit. La Floride, ses plages, son soleil, ses palmiers, et son obsession des concours.

Pour Elizabeth, la narratrice, ce sont d’abord des concours de beauté pour enfants, ces absurdes défilés de mini-miss que beaucoup d’Européen(ne)s ont découvert il y a quinze ans avec Little Miss Sunshine. Pour Elizabeth, c’est d’abord une expérience hasardeuse qui se solde par un diadème apporté par la chance de la débutante. Puis un long tunnel d’entraînements, de chorégraphies, de soins corporels divers et variés absolument pas appropriés à son âge, sous le regard sévère de sa mère, qui ne semble l’aimer que lorsqu’elle est la plus belle sur l’estrade. C’est avec son regard d’adulte qu’Elizabeth revient sur ce loisir d’enfance qui a pris toute la place dans sa vie, sacrifiant ses jeux, son temps libre, ses rêves. Tout sauf tendre avec ses géniteurs, la gamine rebelle ne l’est pas tellement non plus avec elle-même.

D’abord, pour nuire à cette image de Princesse façonnée par sa mère, elle se goinfre de sucreries, mais la jeune fille ne peut éternellement résister au désir de plaire. C’est la drogue que les concours ont injectée en elle : l’envie d’être remarquée, de se démarquer, d’être meilleure que les autres. Plus jolie quand il s’agit de séduire le beau gosse du pensionnat, mais la beauté physique, quand on est une adolescente, n’a plus les mêmes effets que sur une enfant. Après avoir subi la perversité masculine, Elizabeth s’enfuit, remet les compteurs à zéro, et trouve un nouvel objectif : devenir la plus musclée et remporter un concours de bodybuilding. Avec l’espoir de choquer ses parents par sa transformation.

La plume d’Olivier Bourdeaut est amère pour décrire cette descente aux enfers qui n’en finit pas. Malgré quelques rencontres positives, comme Alec l’artiste qui l’héberge et l’aide à trouver de quoi subvenir à ses besoins (tout en l’incitant à consommer de la drogue et vendant son image, rien n’est jamais vraiment rose dans ce roman, sauf les robes), Elizabeth va de mal en pis, d’une dépendance à une autre, son corps ne cessant de la tourmenter de toutes les façons possibles, enveloppe de chair trop visible d’un esprit qui se voulait libre.

À travers la cruauté de son destin, ce que l’auteur pointe du doigt, ce sont les diktats imposés aux femmes depuis l’enfance. Sois belle et tais-toi, « fais comme on a dit », surtout bien rentrer dans les codes, même les plus absurdes, sourire, avoir les mêmes goûts que tout le monde pour rassurer et séduire, ne pas dénoncer les comportements masculins problématiques, ne pas tenter de rivaliser avec les hommes. Quoi qu’elle tente, Elizabeth est ramenée à sa condition de femme par les contours de son incarnation. Il n’y a que son esprit et les productions de celui-ci qu’elle puisse réellement maîtriser, et ce constat est à la fois une soupape et un terrible aveu d’échec.

Aussi noir dans son ton qu’il est rose dans son thème et sa couverture, ce Florida réussit à faire naître un malaise poisseux qui ne lâche pas les lecteurs/trices.

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