1997, Manhattan est depuis une dizaine d’années un ghetto de prisonniers. Lorsque l’avion présidentiel est détourné et se crashe à Manhattan, l’ancien pilote et détenu Snake Plissken est envoyé pour le récupérer…
Deux ans après avoir travaillé avec Kurt Russell sur un biopic d’Elvis Presley, John Carpenter l’impose contre le choix des studios (Tommy Lee Jones) dans le rôle principal de ce film dystopique. Au début des années 80, Carpenter et Nick Castle imaginent New York comme une ville morte, dévastée par la violence, reléguée au rang de prison à ciel ouvert. Pour donner vie à cette projection d’une capitale qui se meurt, ils choisissent un quartier du centre-ville de Saint-Louis, dans le Missouri, qui a été ravagé par un incendie. Le budget est très limité, mais le projet a des atouts : la municipalité de Saint-Louis offre carte blanche, ce qui permet d’éteindre les éclairages municipaux pour plonger le quartier dans le noir, le décorateur Joe Alves tire le meilleur parti de ce qui est disponible, et ce qui ne peut être reconstitué en taille réelle sera filmé en miniature avec des décors peints, sur lesquels travaille notamment un certain James Cameron.
L’aspect fauché du film correspond finalement fort bien à son sujet, ces rues désertes et inquiétantes, ces bâtiments amochés où se regroupent les prisonniers pour des trafics interlopes ou des spectacles de cabaret. La beauté des plans nocturnes impressionne, avec des éclairages par touches de couleur, souvent bleutées, qui offrent une grande profondeur de champ et permettent d’apercevoir des silhouettes furtives à l’arrière-plan, la focale mettant l’accent tantôt sur Snake Plissken, au premier plan, en pleine quête, tantôt sur le grouillement qui s’opère en silence autour de lui.
C’est d’ailleurs davantage un film d’ambiance que d’intrigue, en dépit de ce que sa thématique pourrait laisser penser. Certes, Plissken est soumis à un compte à rebours qui menace sa vie, ce qui crée une forme de suspens, mais on se doute que le personnage trouvera une solution. Ce qui marque, c’est l’atmosphère de fin du monde, l’image très sombre, les tractations et combats entre gangs. Mais aussi le fond politique qui sous-tend le long-métrage. D’emblée, lors de l’attaque de l’avion présidentiel, il est question de lutter contre l’impérialisme inégalitaire américain. Et ce que New York est devenu fait bien signe du côté d’un pays qui a relégué des citoyens dans une zone de non-droits, en faisant des laissés-pour-compte que rien ne peut autoriser à rejoindre la société. La prison, c’est forcément à vie dans ce système inique. Le personnage du président (Donald Pleasance) incarne cette autorité qui n’est soucieuse que d’elle-même. Individualiste terrorisé par l’idée de mourir, l’homme tremblant n’a besoin que d’un peu de maquillage pour redevenir le dirigeant que la mort de ses compatriotes n’émeut guère, et qui n’a d’autre souci que l’apparence et le pouvoir.
Face à lui, Plissken est un héros de film d’action ou de jeu vidéo. Il a rompu avec l’armée sans qu’on connaisse les détails pour devenir un hors-la-loi, mais a clairement plus de sentiment de justice et d’équité que les politiciens qui ont recours à lui. Le charisme de Kurt Russell, le look du personnage, très stylisé, et ses aptitudes au combat font qu’on l’imagine bien dans un jeu type Tomb Raider, à explorer des niveaux et défoncer le boss final. Le personnage inspire d’ailleurs le jeu vidéo Metal Gear Solid, mais aussi une suite à ce film, Los Angeles 2013, qui marque une nouvelle collaboration entre l’acteur et le réalisateur quinze ans plus tard.
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