Quitté par sa compagne, un homme décide de lui écrire une lettre à une adresse qui n’existe pas. Une façon de commencer à faire le deuil de cette histoire…
Le romancier Antoine Laurain, qui publiait l’année dernière Le service des manuscrits, revient en librairie avec un projet artistique et littéraire en collaboration avec Le Sonneur. L’artiste contemporain, fasciné par la ville, la prend pour cadre de ses expérimentations, ajoutant de fausses plaques ou étiquettes de sonnettes dans les rues. Une façon de réenchanter le quotidien qui transparaît dans cet ouvrage à quatre mains.
Au départ, la situation est pourtant bien triste : un homme vient de subir le départ de celle qu’il aime. Quitté sans trop d’explications, il se demande si elle est partie pour un autre et passe par toutes les étapes du deuil de la relation. Mais notre protagoniste sans nom, narrateur de son histoire, est un poète moderne. Au lieu d’appeler celle qu’il chérit toujours ou de lui écrire un mail, il lui envoie une lettre… à une adresse inconnue. La typographie et la disposition des mots sur les pages formeraient presque des calligrammes, et font plus signe du côté des poèmes que d’un roman. Pourtant chaque page suit la précédente pour composer une seule fiction, réaliste, celle d’une lente guérison du cœur.
Le parcours passe par des errances, des digressions (la « voisine » Séraphine), des moments d’abattement et d’autres d’espoir, selon une évolution psychologique réaliste. En peu de mots, Antoine Laurain parvient à nous accrocher, à nous faire entrer en empathie avec son personnage.
En parallèle, les illustrations, dessinées en noir, blanc et rouge, ne sont pas toujours d’un rapport évident avec le texte. Souvent, le cheminement est métaphorique, le progrès pouvant être représenté par une échelle, l’absente par une ombre derrière une fenêtre, la tristesse par une silhouette noire solitaire. Le trait est élégant, l’aspect tricolore confère une unité de même que la récurrence de certains motifs (l’immeuble, les serrures…). Le plus intéressant, c’est lorsque les deux arts, littéraire et graphique, assument leur mélange jusqu’au bout : le texte finit par citer Le Sonneur, les illustrations représenter l’œuvre mentionner dans l’intrigue. Tout s’entremêle alors et l’on se réjouit comme d’avoir trouvé un easter egg, une bonne surprise qu’on n’attendait pas.
Si la fin, porteuse d’espoir, est très conventionnelle et assez attendue, si le texte, très bref, ne plonge pas dans les profondeurs de la psyché humaine, le parcours reste plein de charme, et les planches dessinées font du livre un bel objet, dans lequel on aura plaisir à se replonger au hasard des pages, passée la première lecture.
Votre commentaire