Festival Premiers Plans 2021 rétrospective Akerman – D’est

Un voyage vers l’est en passant par l’Allemagne jusqu’à la Russie…

De D’est, sa monteuse Claire Atherton dit qu’il est surtout déroutant parce qu’il ne nous dit pas quoi penser. Et en effet, le film ne dit rien, il ne fait pas de phrases, pas de théorie. C’est avant tout un témoignage, quasi muet, purement imagé, parfois accompagné de bribes de conversations surprises au vol dans des langues étrangères, de morceaux de musique joués sur de vieilles platines, mais le plus souvent silencieux hormis les bruits de la vie courante.

Après la chute du mur de Berlin, Chantal Akerman part en voyage et filme ce qui lui apparaît. Souvent, le monde est vu par la fenêtre d’un train, d’un tram, d’un véhicule que nous ne voyons pas de l’extérieur mais près duquel les gens se massent sur son passage. Le défilement du paysage et des visages en un lent travelling compose un panorama, qui évolue à mesure que l’on s’enfonce dans les profondeurs de l’est. D’abord, parce qu’il semble faire de plus en plus froid. La neige blanchit les lieux, floute les contours, les chapkas couronnent les têtes d’un même poil interchangeable.

Les transports semblent au cœur du film : quand on n’est pas dans un train, on se trouve dans une gare, observant le ballet des voyageurs/euses. Les gens marchent, on les voit venir vers la caméra ou s’en éloigner, ils passent, silhouettes dont nous ne connaîtrons pas l’histoire. Le documentaire ne s’attache à aucun élément précis, il englobe le réel tel qu’il se donne à la caméra.

On peut tout de même en tirer des éléments de réflexion : par exemple, le contraste entre une voiture motorisée et une calèche tirée par des chevaux qui passent dans le même plan, rappelant le passage d’une époque à l’autre qui se joue avec la chute du Mur et la réunification allemande.

Les plans hors trajet sont fixes, et en intérieur, on peut être surpris d’avoir l’impression de se retrouver dans les œuvres de fiction de la cinéaste : comme dans Jeanne Dielman, des femmes immobiles regardent dans le vague ; elles portent des tenues pastel assorties aux murs de leur appartement, surveillent une soupière dans la cuisine d’un logement aux murs verts. La condition féminine est encore une fois explorée, sous divers aspects : domestique, avec ces portraits statiques de femmes au foyer ; professionnel, avec les travailleuses des champs en fichu, semblant sortir d’un tableau du XIXe siècle ; de loisir, avec l’écoute de musique ou la pratique de celle-ci, représentée par la chanteuse de la fête, qui s’enthousiasme seule sur son estrade pour trois couples qui dansent.

Politique en tant qu’il montre un monde bientôt révolu, le film ne délivre pas de message, il nous laisse le soin de penser les images qu’il amène jusqu’à nous.

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