Festival Premiers Plans 2021 rétrospective Akerman – « Je, tu, il, elle », qui vous voudrez

Après une rupture, une jeune femme s’enferme pendant un mois dans un appartement, seule. Puis elle décide de sortir et demande à un routier de la prendre en stop…

Movie Challenge 2021 : un film avec une voix off

Après quelques premières expériences cinématographiques dont Saute ma ville, Chantal Akerman part découvrir New York et le cinéma expérimental américain. À son retour, elle travaille à Je, tu, il, elle.

Le film se décompose en trois parties. La première a de quoi rappeler Saute ma ville : on suit une jeune femme (encore une fois incarnée par la cinéaste elle-même) qui s’enferme dans son appartement et commence à avoir une attitude étrange, hors des attendus sociaux. Ici, elle laisse filer les jours allongée sur son lit, se nourrit uniquement de sucre en poudre, écrit ses émotions et pensées dans de très longues lettres qu’elle relit mais n’envoie pas, se déshabille devant la fenêtre pour se contempler ou se laisser voir des passants.

Pendant toute cette première partie, et la moitié de la suivante, nulle ligne de dialogue, simplement la voix off de la jeune femme qui décrit son comportement jour par jour, parfois en décalage avec l’image. En noir et blanc, dans un studio quasiment vide où trône un matelas sans même un drap, on ne voit que le corps, assis, couché, debout, partiellement dévêtu, de la protagoniste. Ce temps d’isolement peut apparaître comme une forme de deuil de la relation terminée qu’on devine à quelques indices de la narration, mais aussi comme une façon de faire le point et se reconnecter avec soi-même. Car c’est seulement après s’être longuement regardé en face que le personnage féminin quitte sa coquille pour affronter le monde extérieur. Cette confrontation a quelque chose de violent quand on la voit seule au bord d’une autoroute, où elle pourrait être à tout instant victime d’un accident.

Les choses semblent plutôt bien tourner, en un genre de road movie. La jeune femme et le routier (Niels Arestrup) mangent en silence, boivent des bières, font route en silence, jusqu’à ce que l’homme prenne la parole pour donner des consignes d’ordre sexuel… juste avant de raconter sa vie avec sa femme. Assez surprenante, cette partie donne une image très pulsionnelle de la gent masculine à travers ce personnage qui semble focalisé sur les opportunités sexuelles. Le pire étant à venir lorsqu’il évoque ses enfants, révélant sous son abord bonhomme des tendances de pédocriminel affolantes. L’absence de réaction de sa passagère correspond à la passivité naturelle du personnage, qui a beaucoup répété jusqu’alors qu’elle était dans l’attente, mais peut choquer de notre point de vue contemporain. Il faut dire que lorsque la voix off se tait, il devient très difficile de discerner les pensées et motivations du personnage dans cette partie du film où la caméra cadre de près l’homme, laissant le visage de la femme dans l’ombre ou hors cadre.

La troisième et dernière partie du film est l’aboutissement du voyage. On découvre la personne à laquelle la jeune femme est venue rendre visite, qui l’accueille de façon d’abord glaciale avant que l’atmosphère ne se réchauffe progressivement. La liberté de la protagoniste s’incarne dans sa façon directe de séduire qui lui plaît, d’abord l’homme qu’elle avait embrassé au pied de son camion, puis cette femme malgré sa froideur première. La très longue scène de sexe, composée de plans fixes impudiques sans être intrusifs, est presque une lutte espiègle, rappelant la part d’enfance du personnage de Chantal Akerman, qui mangeait son sucre à la cuillère au début du métrage. Femme-enfant, libre de déjouer les carcans, de désirer et séduire qui lui plaît quand ça lui chante, elle correspond bien à la ritournelle du générique… « chantez, dansez, embrassez qui vous voudrez ».

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