Teddy est en intérim dans un salon de massage et rêve de construire une maison où vivre avec Rebecca. Mordu par un canidé dans la forêt, il se met à expérimenter des symptômes lycanthropiques…
Acclamé à Deauville, le film des frères Boukherma était un des plus attendus du début 2021, d’autant plus qu’il est distribué par The Jokers, ce qui est très souvent gage de qualité. Grâce au festival de Gérardmer, on a pu le découvrir depuis chez nous, en l’absence des cinémas.
Le long-métrage met à l’honneur Anthony Bajon, qui après plusieurs rôles remarqués incarne ici le protagoniste éponyme. Marginal, Teddy est un personnage assez classique des laissés-pour-compte du cinéma français, autour duquel gravite une galerie de « gueules » pas lisses, comme on pourrait en croiser chez Jeunet ou Dumont, à commencer par l’oncle et la tante chez qui il habite.
Teddy n’a pas de parents, ne fait pas d’études, n’a qu’un seul tee-shirt (en plusieurs exemplaires), mais il a une copine, Rebecca, qui révise son bac en lui lisant La Bête humaine. La référence est un des éléments de comédie malins qui font la force du film, plutôt bon dans sa tonalité comique. Les gesticulations de Teddy, qui agace les gendarmes, et de son oncle, donnent lieu à quelques moments drôles, de même que sa patronne (Noémie Lvovsky) grâce à des trouvailles de mise en scène (elle semble surgir d’un placard).
Pourtant, le film pèche par plusieurs points. D’emblée, les personnages tous benêts ou désagréables n’attirent aucunement l’empathie, qu’il s’agisse de Teddy ou des quidams qu’il croise. À la limite son oncle et sa tante peuvent sembler moins méchants, mais pas plus futés. Par ailleurs, l’écriture est parfois fine dans les détails, mais sur le fond, l’intrigue est malheureusement très classique. La transformation de Teddy suit les étapes habituelles des lycanthropes, avec apparition de poils (si possible associés aux parties du corps qui vont le plus susciter le choc chez les spectateurs, ce qui fonctionne bien certes mais à peu de frais) et pulsions incontrôlables qui le laissent amnésique. Et bien sûr, le loup-garou va employer ses facultés pour se venger des personnes qui lui font du mal, et épargner celles auxquelles il tient. Rien de surprenant dans tout ça.
Surtout, le manque de moyens est criant dès qu’il s’agit de présenter des scènes un peu graphiques. On attend de pied ferme de voir la créature, dont la patte était déjà dévoilée sur l’affiche, mais c’est une grande déception de ce point de vue. Tout ce qu’on attendait se passe hors champ, et même si les plans avant et après sont sympathiques, cela ne compense pas ce qui manque. Quant à la fin, qui tire au mélo avec la musique de Fishbach, elle semble nous parler d’un drame social, où un individu a été privé de sa liberté, et le générique réinvente en romance contrariée ce qui n’était qu’une amourette adolescente destinée à finir avec le début des études. Le mélange des tons ne prend pas, le comique n’est pas assez poussé, le drame non plus, ni l’horreur, et l’on reste sur sa faim face à cet hybride qui partait pourtant avec des intentions louables et quelques belles qualités. On espère que les réalisateurs bénéficieront du succès critique de ce film pour pouvoir financer un projet plus abouti qui ne nous fera pas dire « c’est pas mal… pour un film de genre français », phrase qu’on aimerait bannir, mais plutôt « ça a vraiment du chien ! ».