« Bancs publics » : les petits poissons nagent aussi bien que les gros

Dans un immeuble de bureaux, c’est l’effervescence : sur la façade d’en face, une banderole noire proclame « homme seul » sous une fenêtre. Craignant un suicide, trois secrétaires sont dépêchées sur les lieux…

Plus de dix ans après le deuxième volet de sa trilogie à Versailles, Bruno Podalydès la clôt autour de la troisième gare de la ville : Versailles-Rive-Droite. C’est toujours un peu la même histoire qui traverse les trois œuvres : celle d’un homme empêché qui rêve de séduire une femme. Et dans le rôle du célibataire, on retrouve son frère Denis Podalydès, comme toujours.

Cependant, dans la forme, le troisième opus diffère très largement des deux premiers, en ce qu’il ne se concentre pas sur un petit nombre de personnages mais se présente au contraire quasiment comme un film à sketches. On suit d’abord le trajet de Lucie (Florence Muller), une secrétaire imaginative, qui entend dans le métro une reprise de Brassens par Ridan, qui donne son titre au long-métrage. Mais les fameux bancs publics, on ne les verra pas tout de suite. D’abord, il faut en passer par le lieu de travail de Lucie, cette entreprise lambda où le moindre événement sortant de l’ordinaire fournit une distraction bienvenue à la monotonie du quotidien. La venue d’un ponte censé exposer les mesures à prendre pour atteindre les objectifs, mais distrait par un texto visiblement très personnel est l’occasion d’un morceau de bravoure de Pierre Arditi mais aussi d’une critique d’un système absurde.

Car mine de rien, c’est peut-être le plus social des trois films du réalisateur, qui à travers les quatre lieux qui délimitent l’intrigue, s’attache à deux entreprises : les bureaux de Lucie et le magasin de bricolage tenu par Bretelle (Bruno Podalydès lui-même). Le « BricoDream » est à la fois un bon exemple de ce microcosme que constitue un magasin avec une petite équipe d’employés (on a le plaisir de découvrir Laure Calamy à la caisse, mais aussi Samir Guesmi et Olivier Gourmet en vendeurs aux compétences disparates), mais aussi l’opportunité de faire surgir une litanie de client(e)s varié(e)s aux demandes parfois fort improbables qui font naître le comique de situation à chaque séquence.

Son casting exceptionnellement riche est sans nulle doute la grande force de ce film, car on croise aussi de très nombreuses personnalités dans le square où trônent les fameux bancs du titre. Ce chassé-croisé, par lequel la caméra nous entraîne d’une conversation à l’autre, d’un binôme à un groupe, à travers les âges et les milieux sociaux, les humeurs et les enjeux du quotidien, est à la fois très plaisant et assez anecdotique. On y voit se côtoyer toutes les couches d’une société, sans savoir vraiment ce que le scénario souhaite tirer de cette mise en contact des uns et des autres. On se délecte de retrouver des grands noms tels que Claude Rich et Michel Aumont jouant au backgammon, on découvre aussi pléthore d’inconnu(e)s de tous âges, mais sans que l’un ou l’autre se détache vraiment comme personnage principal. Si ce n’est sur la fin, qui vient apporter une réponse au mystère initial, assez convenue par rapport à tous les détails délirants qu’on a pu percevoir au fil de l’intrigue, tels que la machine à café aux piles géantes ou la perceuse de compétition.

Manquant un peu d’unité, mais jamais de charme, le film de Bruno Podalydès poursuit son exploration des affres d’un homme maladroit quant aux choses de l’amour, mais n’en fait ici qu’une pièce d’un vaste puzzle, comme si d’opus en opus, l’univers d’abord confiné dans un appartement de la Rive Gauche s’était élargi.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :