Sachi, Yoshino et Chika vivent toutes les trois dans la grande maison de leur enfance qu’ont déserté leur père puis leur mère des années plus tôt. À l’enterrement de ce père devenu un étranger, elles rencontrent Suzu, leur jeune demi-sœur orpheline, et lui proposent de s’installer avec elles…
Le Kore-Eda cru 2015, entre Tel père, tel fils et Après la tempête, retrouve des thématiques chères au cinéaste, grand habitué des histoires de famille, mais marque une différence avec les deux films qui l’entourent chronologiquement, en se concentrant presque exclusivement sur des personnages féminins. Souvent passionné par les rapports père-fils, le réalisateur filme ici une famille très féminine, dont le père est une sorte de fantôme en filigrane qui réunit les trois aînées à cette petite sœur inconnue avec laquelle il est au premier abord le seul point commun.
Comme dans Nobody Knows, mais ici avec des enfants beaucoup plus grandes, les parents ont déserté le domicile familial, abandonnant leur progéniture à son sort pour vivre des expériences amoureuses. Il en résulte une sororité, au sens propre puisqu’elles sont du même sang, entre Sachi, Yoshino et Chika, qui continuent de vivre ensemble alors qu’elles ont entre 25 et 30 ans environ. Pourtant les trois grandes sœurs sont bien différentes, à la fois dans leurs caractères et leurs aspirations, ce que l’arrivée de la plus jeune va mettre en exergue, car ses aînées la comparent à elles, tentent de lui trouver des ressemblances avec l’une ou l’autre. Haruka Ayase, Masami Nagasawa et Kaho incarnent des jeunes femmes modernes et attachantes. L’aînée, très responsable et sérieuse, rappelle volontiers une Meg March avec son sens des responsabilités, son dévouement à la famille, mais aussi son goût des vêtements chics. Elle est si consciente de son devoir depuis le départ de ses parents qu’elle en oublierait de penser à se construire une vie à elle. Yoshino, amatrice de couleurs vives et inspirée par son histoire d’amour, aime la bière et les maquereaux marinés, semble plus légère et frivole mais va trouver dans son nouveau poste à responsabilités un ancrage plus solide. Chika est l’élément comique du film, avec ses tenues faites de superpositions hasardeuses, ses mimiques tordantes, sa joie de vivre parfois exubérante et sa stabilité discrète aux côtés de son collègue ancien alpiniste avec qui elle vend des accessoires de sport.
L’arrivée de Suzu donne aux trois aînées un objectif commun, l’accompagner dans cette nouvelle vie. L’adolescente semble s’y épanouir rapidement, s’intégrant dans son nouvel établissement scolaire et devenant une star de l’équipe de foot. Mais Suzu évoque peu son passé et ses parents et renferme ses émotions derrière sa gentillesse.
Tout en finesse, le film nous livre une tranche de vie d’environ un an qui permet aux filles de faire le deuil de leur père, de se réconcilier avec le passé mais aussi de s’unir et de s’entraider pour s’épanouir ensemble. Dénué d’adversaire et moins ancré dans la réalité des inégalités sociales que ses autres œuvres, Notre petite sœur est sans doute le film le plus doux et apaisant de la filmographie d’Hirokazu Kore-Eda.
Oui, un film très doux. Je l’avais vu au cinéma, ce qui était agréable pour entrer dans cet atmosphère à la fois intimiste et très travaillée esthétiquement. Dans cette même veine, je préfère Still walking, mais je suis bon public avec Kore-Eda 🙂
D’ailleurs, j’ai lu son autobiographie, Quand je tourne mes films, et c’est vraiment intéressant pour reprendre tout son parcours. Je trouve qu’il a un regard très sincère, humble et intéressant sur son travail.