Cette année le top 10 se décline à partir d’un nombre de lectures bien faible, 27, et pour cause : pendant les confinements, j’ai été amenée à lire des ouvrages des années précédentes et non des nouveautés. Mais allons-y tout de même pour un top 10 2020 !
Un peu plus inégal que son précédent recueil, le livre d’Arnaud Modat a pour lui son irrévérence assumée, et même si je n’ai pas apprécié tous les textes qui le compose, j’ai beaucoup aimé deux des nouvelles proposées, « Les limites de la philosophie chinoise », incontestablement vecteur de mes meilleurs fous rires littéraires en 2020, et « La vilaine propagande des vendeurs de croisière » pour son beau portrait de femme âgée. Hâte de savoir où l’auteur nous emmènera pour un prochain voyage !
Après le très marquant Trancher, un livre qui a beaucoup compté pour moi, Amélie Cordonnier revient avec un sujet qui me touche a priori moins puisqu’il a trait à la maternité. Mais avec Un loup quelque part et son bébé dont l’épiderme noircit, ce qui panique sa mère, l’autrice nous place face à nos propres préjugés et contradictions. L’art de débusquer le racisme le plus enfoui pour nous faire repenser en profondeur notre vision du monde, grâce à un texte d’une grande finesse et d’une musicalité inégalée cette année. On aime aussi les références contemporaines qui favorisent l’identification et l’effet de réel de ce texte à la lisière du fantastique.
Le livre de Béatrice Castaner est ma plus grosse surprise de cette année littéraire. Reçu par surprise, ce roman envoûtant nous entraîne dans une époque très lointaine, sur les traces d’un groupe de néandertaliens. Parmi eux, dans le froid et la rudesse du climat, une femme invente la fiction et l’art à travers la naissance des peintures rupestres. Poétique et mystérieux, le récit est aussi celui d’une transmission. Un texte unique en son genre qui ne s’oublie pas.
Toujours un grand plaisir que de retrouver la plume affûtée de Pierre Raufast – désormais chez Stock – immense conteur qui sait nous embarquer dans des digressions et pérégrinations fantasques. Cette fois, il canalise sa tendance à la profusion autour du destin lié de deux personnages dont la quête conduit à une lutte métaphysique contre la mort. Surréaliste et sentimental, le récit est moins distrayant et plus émouvant que ses précédents livres, un tournant qu’on accepte bien volontiers.
Ma première lecture de Nina Bouraoui m’a absolument convaincue. L’autrice retrace à la première personne le parcours de Sylvie, une employée de 53 ans, apparemment simple et sans histoires. Une invisible parmi tant d’autres qui choisit, plus ou moins consciemment, de braquer enfin sur elle la lumière à mesure que ressurgisse ses traumatismes. Cette remise en cause du système ultra-capitaliste à travers un cheminement individuel est un vrai roman social comme on les aime.
La plume sensible d’Arnaud Dudek avait abordé de front la sphère politique dans son précédent opus, déjà chez Anne Carrière, mais revient ici à une thématique plus intime, liée à la paternité, sujet déjà présent au fil de son œuvre mais qui est ici davantage creusé à travers une quête des origines. Qu’est-ce qui fait la paternité : les gamètes, l’éducation, l’amour ? Le parcours est sinueux et décrit avec justesse par cet auteur dont on aime particulièrement la douceur qui émane de ses textes et de ses personnages.
Ouvrage protéiforme, Le complexe de la sorcière est à la fois la réflexion d’une autrice en quête de son sujet de roman mais aussi une étude approfondie mais accessible sur l’histoire de la figure de la sorcière en France. Mêlant habilement les données et les ressentis survenus au cours du travail de recherche, le livre nous empoigne et appuie là où cela fait mal pour nous éclairer sur les séquelles des chasses aux sorcières dans nos sociétés contemporaines. Isabelle Sorente signe son grand œuvre, une lecture complémentaire de l’essai de Mona Chollet, Sorcières, la puissance invaincue des femmes.
Le musicien Joseph d’Anvers, déjà auteur d’un polar, fait une vraie entrée en littérature avec le remarqué Juste une balle perdue, un des textes les plus entêtants de cette année. Impossible de s’arracher le souvenir de Roman et Ana, jeune couple incandescent brûlé par le soleil estival, les substances illicites et le danger. Le temps s’étire et se contracte sous la plume très cinématographique de l’auteur et nous colle au cœur un fol espoir d’un romantisme décoiffant. On veut absolument une adaptation sur grand écran !
C’est la progression la plus notable de cette année : on avait apprécié le côté décalé de son premier roman Pourquoi les oiseaux meurent, mais Victor Pouchet revient avec un texte bien plus intense encore. À travers le récit d’Elias puis le journal de sa compagne Avril, c’est une enfance difficile et peu ordinaire auprès d’un père fasciné par le pouvoir des ondes qui nous est livrée façon puzzle. Un personnage d’enfant cabossé touchant mais pas forcément si innocent qu’il n’y paraît, pour un livre découpé en deux facettes, ombre et lumière, qui s’emboitent à la perfection.
Par le sujet et les émotions ressenties à la lecture, le roman de Chloé Delaume ne pouvait que couronner cette liste. Auréolé d’un Médicis amplement mérité, ce récit à la fois battant et désespérant du quotidien d’une quadragénaire attachée de presse dans le milieu éditorial germanopratin (excellemment croqué et épinglé), s’attarde en particulier sur sa vie sentimentale affadie par les ans et l’impression de péremption que subissent les femmes dans la société patriarcale. Passés quelques effets de style, on veut savoir à tout prix ce qui attend Adélaïde, mais aussi ses copines, car derrière la quête amoureuse se cache une ode à la sororité fort bienvenue.
Cette année a également été marquée par de nombreuses lectures antérieures à 2020, parmi lesquelles des textes marquants qu’il me faut absolument citer à l’heure du bilan. Je ne saurais trop recommander les essais de Mona Chollet qui m’auront accompagnée durant le premier confinement, en particulier le brillant Chez soi et sa réflexion sur la place et le temps dévolus au travail dans nos vies. Côté fiction, énorme coup de cœur pour Le Discours, un Fabcaro au sommet qui crée un personnage masculin aussi insupportable que touchant, empêtré dans un dîner de famille interminable et une histoire de cœur en pause. Délicieux, émouvant et d’une drôlerie irrésistible.
Et vous, quels ont été vos coups de cœur en 2020 ?
Je n’ai lu qu’Autoportrait en chevreuil et il ne fera pas partie de mon top…! :p
Je vais sûrement découvrir des titres dans ton top !
Comme j’ai découvert des titres dans le tien !
J’aime beaucoup lire les top des autres, cela me donne toujours pleins d’idées ! =)
Oui c’est un bon moyen d’enrichir sa liste à lire !
Oh, j’avais lu un roman de Béatrice Castaner il y a fort longtemps ! Je n’avais jamais revu son nom depuis. Une lecture atypique.
Je n’ai lu aucun de ces livres, mais le Chloé Delaume m’intrigue. J’avais eu une grosse période Chloé Delaume où j’avais lu pas mal de ces romans, mais plus rien depuis des années !
Chez soi et Le Discours sont dans ma WL, tu me donnes bien envie !
Merci pour ces nombreuses idées lectures qui sortent de l’ordinaire !
Merci beaucoup pour ce retour enthousiaste ! Chez soi, ça demande d’être un peu plus posé(e) parce que ça fait réfléchir sur pas mal d’aspects de nos vies je trouve. Le Discours c’est une friandise, ça se lit tout seul !
Oui, je me doute. Et comme j’ai déjà Sorcières à lire, ce ne sera pas pour tout de suite, mais c’est un titre que j’ai clairement en tête !
Oh merci je garde précieusement de côté Le complexe de la sorcière et Le coeur synthétique !
Très bons choix !