« Serpico » : tous pourris, sauf Frankie !

Frank Serpico, jeune bleu sémillant, est ravi d’endosser l’uniforme de la police de New York. Mais rapidement, il est confronté à une corruption incompatible avec ses valeurs, qu’il pensait être aussi celles de l’institution…

Après le chef d’œuvre incontesté 12 hommes en colère et le moins connu The Offence, un autre gros morceau de cinéma dans la si riche filmographie de Sidney Lumet : Serpico. Cette fois-ci, ce n’est pas une pièce de théâtre mais un livre dont le film est adapté, qui retrace le parcours du vrai Frank Serpico, officier de police qui, à l’époque du tournage, rendit sa plaque avant d’aller s’installer en Suisse.

Dévolu à un autre cinéaste, le scénario de Waldo Salt et Norman Wexler échoit un peu par défaut mais pour le meilleur à Sidney Lumet, tandis que Robert Redford, pressenti pour le rôle-titre, est remplacé par le jeune Al Pacino pour sa première collaboration avec le réalisateur, qu’il retrouvera dans Un après-midi de chien.

Fini le genre du huis-clos, le film nous promène dans les rues de New York et les différents commissariats et services de police auxquels Serpico est successivement affecté. Pourtant, on retrouve le goût de Lumet pour une mise en scène focalisée sur les dialogues en petit effectif où les gros plans sur les visages en disent long sur les intentions et pensées des personnages, et ici cette tendance se traduit par les nombreux face-à-face entre Serpico et ses collègues dans des voitures, quand ce n’est pas dans le couloir des toilettes ou tout autre espace réduit provoquant aussitôt une sensation d’oppression. La mise en scène retranscrit ainsi les sentiments éprouvés par le jeune homme, dont la fierté de porter l’uniforme, le teint frais et imberbe, vont s’étioler à mesure que son apparence change pour mieux réussir ses infiltrations mais aussi parce qu’il perd sa belle humeur et que son énergie finit par devenir négative à force de ne pouvoir s’exprimer. La frustration et le manque de soutien minent Serpico, et ont de quoi déprimer également les spectateurs/trices.

Car le film se construit par paliers, et chaque nouvelle affectation de Serpico est l’occasion d’une plus grande désillusion, chaque brigade se révélant peuplée de ripoux qui soutirent de l’argent aux cercles de jeux clandestins quand ce n’est pas aux trafiquants de drogue. Cette dénonciation des travers de la police est d’autant plus forte que le film s’étire (il dure 2h10) et nous montre tous les rouages, des flics de terrain aux gradés et aux notables de la ville comme le maire, étouffés par le statu quo et la couardise.

La prestation remarquable du charismatique Al Pacino rend justice à Frank Serpico, qui s’était montré ravi qu’un film lui soit consacré. C’est un héros seul contre tous qui nous est présenté, le genre de figure qu’aurait également apprécié un Eastwood, un homme qui prouve que la détermination et les valeurs positives peuvent l’emporter sur le Mal à force d’obstination et de bravoure. Lumet trouve ici une nouvelle occasion de réfléchir sur la justice, la culpabilité et l’isolement d’un flic qui croit en son métier.  

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