« 12 hommes en colère », le doute raisonnable

12 jurés sont réunis pour statuer sur le sort d’un jeune homme d’un milieu modeste, accusé d’avoir tué son père et risquant la chaise électrique. Tous votent la condamnation, sauf un, or le verdict doit être unanime…

Quand on apprécie le genre du film de procès, impossible de faire l’impasse sur la filmographie de Sidney Lumet, et en particulier sur son premier long-métrage, qui reste son chef d’œuvre le plus reconnu.

En dépit de son titre, 12 hommes en colère met d’abord en présence des personnages plutôt tranquilles, qui entament leur conciliabule de jurés sur un ton étonnamment badin, sans aucune animosité les uns envers les autres, persuadés qu’il ne s’agit que d’une formalité à remplir, rendue certes un peu désagréable par l’écrasante touffeur du « jour le plus chaud de l’année » et le non-fonctionnement du ventilateur, mais enfin il ne suffit que de quelques minutes pour voter l’envoi d’un jeune homme à la mort avant d’aller soutenir son équipe favorite au stade, n’est-ce pas ?

C’est avec une extrême habileté et une écriture ciselée que Reginald Rose conçoit la montée progressive en tension de ce huis clos. Les dialogues aux petits oignons permettent de révéler progressivement les personnalités diverses des 12 membres du groupe, leurs systèmes de valeur corrélés à la fois à leurs origines sociales, à leurs professions, à leurs enjeux personnels, qui vont s’affronter à partir d’un petit grain de sable, le refus d’un homme, le juré 8, de prendre leur mission à la légère. C’est Henry Fonda qui incarne avec maestria et une apparente décontraction l’homme par qui le scandale arrive, ou plutôt celui qui tente de l’éviter. Dans une pleine maîtrise de ses nerfs, le contradicteur est justement celui des douze qui résiste à la tentation de la colère, et qui garde ses esprits pour réussir à convaincre petit à petit les onze autres. En dépit de la tension croissante très bien gérée, et accrue par la mise en scène de Lumet, et en particulier un sens du cadrage terriblement efficace où chaque plan a son importance pour tenir en haleine mais aussi permettre de saisir ce qui se joue entre les personnages et en chacun d’eux, on se doute un peu de la façon dont tout cela va finir. En effet, le film a eu une telle postérité et une si grande influence sur le genre qu’il est impossible de ne pas ressentir quelques effets de déjà vu face aux ressorts de l’œuvre, dont on peut retrouver des traces dans tout un tas de films récents (les discussions entre jurés dans L’Hermine, la gestion du doute dans La fille au bracelet…).

Mais quelque part, même si l’on pense savoir d’emblée ce qui va advenir, l’intérêt premier de l’œuvre reste le moyen d’obtenir ce résultat. Ce qui compte pour les protagonistes, c’est le verdict, auquel certains comme le juré 3 (Lee J. Cobb) ou le juré 10 (Ed Begley) sont si attachés en fonction de leur conception du monde et de la justice – alors que d’autres comme le juré 7 (Jack Warden) ne pensent qu’à en finir quelle que soit l’issue – mais pour les spectateurs/trices, ce sont davantage les possibilités du discours et du raisonnement qui fascinent. Ce que Lumet donne à voir, c’est le pouvoir de la parole, non pas comme éloquence tel un avocat en pleine plaidoirie, mais dans la gestion d’un débat, la façon de savoir quand se taire, quand intervenir et comment utiliser les mots des autres pour parvenir à ses fins. Derrière la démonstration, l’enjeu reste noble, celui d’une justice qui préfère l’erreur par défaut de preuves que l’envoi à la mort d’un homme qui ne serait peut-être pas coupable.

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