« La science des rêves » : « je rêve souvent qu’elle m’aime éperdument »

Au décès de son père, Stéphane quitte le Mexique pour venir s’installer à Paris où sa mère lui a trouvé un emploi dans une entreprise de calendriers. Il rencontre fortuitement sa voisine et une amie de celle-ci, mais si Stéphane plaît à Stéphanie, il lui préfère Zoé…

Après Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Michel Gondry revient à Paris en 2005 pour La Science des Rêves. Continuant d’explorer les liens entre conscience et subconscient, il met en scène le personnage de Stéphane, interprété par un Gael García Bernal en mode Pierrot lunaire. Débarqué du Mexique, le jeune homme se réjouit que sa mère ait trouvé pour lui un emploi où il pourrait exercer sa créativité débridée. Mais voilà, loin d’être graphiste comme il l’espérait, il se retrouve aux prises avec la composition sur des calendriers plus moches les uns que les autres, assistant d’un collègue libidineux et idiot (Alain Chabat, qui s’en donne à cœur joie dans le rôle).

Assez peu adapté à un job aux horaires fixes et aux tâches répétitives, Stéphane passe son temps à rêver, mais aussi à analyser ses rêves et tenter d’influer sur leur contenu. Dans l’appartement de sa mère, il retrouve des tas de babioles et accessoires religieusement conservés (cartons emplis de papiers de bonbons et compagnie) et s’en sert pour donner vie à ses idées les plus improbables. Dans son studio de télévision mental en carton-pâte (au sens propre, les parois sont en carton ondulé), il anime une émission autour des rêves dont il donne la recette au début du film, remplaçant les ingrédients spirituels par ce qu’il a sous la main, des épices et des spaghettis. Délirant, le film est à l’image de son protagoniste, qui ne fait pas très bien la différence entre ses fantaisies et la réalité, au point de peu à peu en venir à confondre les moments où il rêve et ceux où il est éveillé. La réalisation très inventive et les décors de bric et de broc s’adaptent à cet inconscient envahissant, permettant aux spectateurs/trices d’accompagner les délires de Stéphane, au gré d’un mouvement de caméra, d’une porte ouverte ou refermée qui font basculer du monde intérieur du jeune homme à celui qu’il partage avec d’autres.

La rencontre avec Stéphanie, qui d’abord ne paraît pas l’avoir marqué puisqu’il lui préfère sa copine Zoé, est pourtant une occasion unique pour Stéphane de partager enfin pleinement son univers onirique et créatif. En effet, sa voisine est elle aussi une artiste, qui crée des figurines, objets de décoration étranges reflétant des expressions poétiques, à l’instar du « bateau qui cherche sa mer ». Leurs deux enthousiasmes se mêlent pour donner vie à des projets fous, tels que la machine à remonter le temps d’une seconde. Il y a quelque chose de très séduisant dans ces idées hors du commun et dans leur matérialisation visuelle à l’écran. Loin des effets numériques lisses, ici tout est fait de matière, on a envie de toucher la mer en cellophane pour voir si elle nous mouillerait les doigts, de s’abîmer dans la mer de nuages cotonneux qui ne tiennent en suspens que si on joue l’accord qui convient sur le vieux piano cabossé. On comprend bien pourquoi le réalisateur fut choisi quelques années plus tard pour adapter L’écume des jours, déjà habitué aux objets incongrus et inventés de toutes pièces.

L’aspect romantique est peut-être moins prégnant que dans son précédent film, celui-ci restant plus léger, parfois vraiment comique, et moins bouleversant, mais pour peu que l’on accepte de se laisser transporter dans l’univers de Stéphane et Stéphanie, avec tout ce qui nous dépasse à l’intérieur, on retombera en enfance avec ses personnages pour qui rien n’est impossible pour peu qu’on en ait rêvé.

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