« Une barque sur l’océan », comme un compositeur malheureux

affiche-film-une-barque-sur-l-oceanEn aidant un jeune français ivre dans les rues de Bali, Eka se fait inviter chez une riche famille dont la fille, Margaux, étudiante en piano, le fascine. Le jeune homme lui demande de lui donner des cours…

Quand on m’a parlé de ce film, j’ai été très enthousiasmée. J’aime beaucoup l’alliance du cinéma et de la musique, et ce film, qui a pour titre une magnifique pièce de Ravel (que je connais bien car elle apparaît dans la bande-son de Call Me By Your Name), me semblait très prometteur de ce point de vue. En effet, la musique est au cœur de l’intrigue, qui tourne autour de la relation entre Margaux, une jeune pianiste, et Eka, qui apprend la musique à ses côtés avant de se mettre à composer.

Le film repose en grande partie sur les épaules de Hari Santika, qui interprète le jeune balinais. Pour une première expérience de cinéma, le jeune homme, qui a dû perfectionner son anglais pour le rôle, fait preuve d’une belle sincérité, qui passe bien à l’écran. Il m’a davantage convaincue que le personnage de Margaux (Dorcas Coppin), qui reste assez futile et fuyant.

La plus grande force du film, ce n’est en réalité pas sa musique, mais son image. Le réalisateur Arnold de Parscau a beau avoir baigné dans la musique, il est avant tout un homme du visuel, il est d’ailleurs également directeur de la photographie du film. Réalisé avec un petit budget issu du crowdfunding, le film atteint du point de vue esthétique une réussite indéniable. Les décors de Bali sont fabuleux, en particulier lorsqu’Eka emmène Margaux découvrir les beautés de son pays. Les lumières sont superbes, très claires dans les extérieurs et la maison des Français, plus ocres et mâtinées d’ombres qui sculptent la chambre d’Eka chez sa sœur qui le loge.

Mais sur le fond, je m’attendais à plus d’émotions. Le scénario du film m’a semblé assez attendu et prévisible, et j’ai pris conscience a posteriori que si j’avais une impression de déjà vu, c’est parce que la trame de l’intrigue s’inspire très directement de celle de Martin Eden de Jack London, dont j’avais découvert l’année dernière l’adaptation de Pietro Marcello. Les deux films m’ont finalement fait à peu près le même effet, celui d’un très bel écrin dont le contenu n’est pas tout à fait à la hauteur. Ce qui pêche ici en particulier, c’est la vraisemblance. Il est déjà assez extraordinaire que Martin Eden fasse de rapides progrès en écriture, lui qui était illettré. Mais quand on parle de musique, le film perd en crédibilité. Même avec toute la bonne volonté du monde, et des prédispositions certaines, il n’est pas envisageable qu’un béotien puisse, en deux mois, jouer parfaitement des morceaux classiques exigeants, ayant à la fois acquis le solfège nécessaire à déchiffrer les partitions, la synchronisation, la vitesse, la délicatesse, le rythme… Et quand en plus on nous présente ce même personnage réussissant à composer non pas purement à l’oreille et en jouant par cœur mais en écrivant ses œuvres sur partitions, et en apprenant en plus à utiliser des logiciels dédiés… C’est un peu gros pour que l’on y croie. Et de ce fait, le film perd le réalisme qui pouvait nous attacher aux personnages, et devient une sorte de fable sur l’origine sociale, le talent et les revers du succès. C’est esthétiquement beau et agréable, mais j’en attendais davantage.

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