Emma et Caroline vivent une vie paisible avec leurs parents jusqu’à ce que ceux-ci divorcent et que leur père annonce qu’il est une femme et entame sa transition de genre, une secousse pour la famille…
Il m’arrive souvent de me lancer dans le visionnage d’un film sans trop savoir de quoi il retourne, et en l’occurrence quand j’ai décidé de voir A perfect family c’était sur la base d’un critère de choix très simple : c’est un film danois. Et encore mieux : un film danois avec le génial Mikkel Boe Følsgaard, l’un des acteurs scandinaves les plus doués, habitué à jouer des personnages hors normes (le roi fou de Royal affair, le frère traumatisé de Miséricorde, le premier volet des Enquêtes du département V, le soldat mutilé qui réapprend à marcher dans Walk with me…), et Neel Rønholt, vue dans le magnifique After the wedding.
Quand j’ai compris de quoi parlait le film, et pour quel rôle l’acteur était casté, j’ai été un peu moins emballée. Malou Reymann, plus connue au Danemark comme actrice, réalise ici son premier long-métrage en s’inspirant de son histoire personnelle, celle d’une adolescente confrontée à la transition de genre de son père. J’ai trouvé particulièrement intéressant de choisir de raconter cette histoire en grande partie à hauteur d’enfant, ce qui donne des scènes particulièrement fortes et marquantes comme le rendez-vous chez la psy, où l’on ne découvre Agnete, le nouveau visage du père d’Emma, qu’en même temps que la jeune fille qui retire l’écharpe qui lui cachait les yeux. Effectivement, un parcours de transition peut avoir une incidence sur l’entourage, la question a d’ailleurs déjà été traitée au cinéma au sujets des parents (je pense au délicat Lola vers la mer) donc l’aborder du point de vue des enfants est pertinent, a fortiori quand l’histoire est écrite par quelqu’un qui l’a vécue. Ce que je ne comprends pas, et d’autant moins de la part de quelqu’un qui connaît le sujet de si près, c’est d’avoir choisi pour le rôle d’Agnete un homme cis. Aussi brillant acteur soit-il, et je ne remets en cause ni sa volonté de bien faire ni son implication, Mikkel Boe Følsgaard est un homme. Et un homme qui joue une femme, au cinéma, c’est rarement totalement réussi (l’inverse également), à part éventuellement dans Cloud Atlas où les acteurs/trices jouent des personnages de genres différents tout au long du film, mais tout le monde n’est pas les sœurs Wachowski. Je suis en désaccord avec l’explication de la réalisatrice selon laquelle il fallait absolument un homme cis qui n’aurait pas déjà connu les étapes d’une transition et affirmant qu’une personne en cours de transition ne peut pas être acteur/trice en même temps. Ces propos me semblent très réducteurs et surprenants de la part de quelqu’un qui connaît le sujet de si près.
Là où le film est le meilleur, ce n’est donc paradoxalement pas dans son sujet principal, la transition de genre, qui est surtout le support de situations de malaise comme quand Agnete demande des chaussures en 44, ce qui crée un blanc manifeste, ou fait croire qu’elle n’aime pas le foot pour sympathiser avec une femme rencontrée en vacances. En revanche, sur l’entrée dans l’adolescence et le nouveau regard que cet âge permet de poser sur ses parents, la difficulté à maintenir un lien d’amour face aux tiraillements d’une ado qui voudrait que rien ne change, la complicité qui alterne avec les crises, le film est bien plus juste, s’appuyant sur deux jeunes actrices assez à l’aise et qui incarnent deux postures opposées face à la situation. J’avoue avoir ressenti beaucoup plus d’empathie et d’affection pour Caroline, même si Emma est très touchante lorsqu’elle dédie une chanson à sa sœur. La réalisation est très soignée, réussissant bien à nous faire ressentir le point de vue des jeunes filles, et intégrant de très jolies scènes d’enfance filmées comme au caméscope, selon un procédé en vogue de found footage. Ces images infusent de la tendresse au film, et une douceur qui rattrape en partie ses défauts.
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