« The perfect candidate », une femme au pouvoir ?

Maryam est médecin dans une clinique saoudienne et déplore que l’état de la chaussée nuise à l’accueil des patients des urgences. Alors qu’elle souhaite postuler pour un hôpital plus grand, elle se retrouve un peu par hasard candidate aux élections municipales…

Ayant découvert il y a peu Wadjda, qui m’avait éminemment enthousiasmée, j’avais hâte de voir le nouveau film d’Haifaa Al-Mansour, qui retournait pour l’occasion en Arabie saoudite, après une excursion anglaise (Marie Shelley), et un Netflix américain (Une femme de tête).

Après un premier film tourné dans des conditions rudimentaires et compliquées par son statut de femme réalisatrice (elle devait diriger les acteurs/trices à distance depuis une camionnette pour n’être pas mêlée aux hommes sur le plateau), la réalisatrice revient dans une Arabie qui s’est bien développée sur le plan cinématographique et des possibilités offertes aux femmes, et a donc eu moins de soucis pour tourner ce nouveau film. Le résultat est un film plus léché, plus posé aussi, avec des protagonistes adultes dont les motivations, pour profondes et viscérales qu’elles puissent être, n’ont pas la candeur et la fraîcheur qui faisaient de Wadjda un petit bijou unique.

Cela dit, toute comparaison mise à part, The Perfect Candidate est un nouveau panoramique de l’état de la société saoudienne et de la place que celle-ci réserve aux femmes. Maryam (Mila Alzarhani) est un exemple passionnant, car issue d’un milieu à la fois assez traditionnel (on se voile devant les hommes, il faut chercher un mari…) et original par la profession de ses parents (sa mère était chanteuse, son père est joueur d’oud), elle incarne une jeunesse dynamique. Sa profession de médecin la met au contact des hommes (qui refusent parfois ses soins, comme au début du film), la pousse à être indépendante (elle conduit sa propre voiture pour aller travailler), et lui permet d’avoir une certaine aura sociale car son métier est reconnu et respecté par son entourage. Toutefois, elle subit les restrictions qui frappent toutes les femmes d’Arabie : elle ne peut prendre l’avion sans autorisation de voyage de son tuteur légal. C’est de cette contrainte forte, élément perturbateur de ses projets, que naît le sujet du film, en la poussant à se présenter comme candidate aux élections municipales.

Parallèlement à son parcours émancipateur, on peut observer différentes postures vis-à-vis de cet engagement, notamment celle de son père, qui se plaint des soucis qu’elle lui cause mais semble ressentir une certaine fierté mêlée à ses râleries, ainsi que celles de ses sœurs, pas forcément aussi concernées par le bien public que la jeune médecin. On retrouve toutefois l’importance de la sororité, de la compréhension et du soutien entre femmes chers à la réalisatrice.

J’ai aussi particulièrement apprécié le personnage du père (le musicien Khalid Abdulrahim) qui représente l’amour de la tradition musicale de son pays. Les scènes de concert sont très belles et prenantes. À travers le père et la fille, c’est l’alliance du respect des traditions culturelles et d’une pensée moderne qui s’impose comme vecteur de progrès. Surtout, j’ai apprécié la scène où Maryam chante au mariage de sa cousine, après avoir plusieurs fois répété qu’elle n’était « pas chanteuse ». Cette réconciliation avec l’héritage maternel est une magnifique façon de prouver qu’une femme peut être tout ce qu’elle souhaite et n’a pas forcément à choisir entre plusieurs aspects d’elle-même : chanter n’empêche pas d’être une très bonne professionnelle de la médecine, ni une candidate valable aux élections municipales. Même si le pays n’est pas encore complètement prêt à entendre cette idée, on se réjouit que la diffusion du film en Arabie saoudite puisse permettre à ses messages de faire leur chemin.

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