Nora en est persuadée, Jacques Viguier, le père de la jeune fille qui donne des cours de soutien à son fils, n’a pas tué sa femme, Suzanne, disparue 9 ans plus tôt. Lorsque le procès est renvoyé en appel, Nora se met en tête de trouver un meilleur avocat à Jacques…
J’avais repéré ce film depuis un moment, et puis j’ai laissé passer plusieurs fois l’occasion de le voir, jusqu’à l’emprunter à la médiathèque. Je savais que le film retraçait un procès réel, celui, en appel, de Jacques Viguier, accusé du meurtre de son épouse Suzanne, mystérieusement disparue sans que son corps ne soit retrouvé. J’avais totalement oublié en revanche que l’avocat, qui tient un des rôles principaux dans l’intrigue, était Éric Dupond-Moretti, ici incarné par Olivier Gourmet.
C’est l’élément le plus troublant de ce film : sa capacité à « dupliquer » le réel. Le film rejoue le procès dans les détails, et d’ailleurs les scènes ont été tournées comme un vrai procès, avec deux caméras à l’épaule qui filmaient en permanence tout le déroulé de l’audience restitué de façon millimétrée. Tout y est, la copie des conversations téléphoniques de l’amant (Olivier Durandet a d’ailleurs cherché à faire interdire le film pour cette raison), le mutisme de Viguier (impressionnant Laurent Lucas) et ses mots à la fin, la plaidoirie finale de Dupond-Moretti. Tout, et même un peu plus. En effet, pour permettre aux spectateurs/trices d’entrer dans le sujet via un point de vue, assez proche du sien lorsqu’il assista au procès Viguier, le réalisateur Antoine Raimbault a composé pour Marina Foïs le personnage de Nora. Apprendre après le visionnage qu’elle n’existait pas m’a pas mal perturbée, tant son rôle est majeur dans l’intrigue : c’est elle qui va solliciter l’avocat pour Viguier, elle qui se farcit les 250 heures d’écoutes téléphoniques à dérusher, et surtout, l’« intime conviction » du titre, c’est la sienne, celle de l’innocence de Viguier. L’actrice s’acquitte d’ailleurs du rôle avec une nervosité qui rappelle sa prestation admirable dans Irréprochable (d’ailleurs hasard ou pas il m’a semblé apercevoir le réalisateur Sébastien Marnier dans le public du procès). Le film tient en haleine essentiellement par la grâce de ce personnage totalement obsessionnel, cette femme d’abord normale, qui souhaite rendre service à la jeune Clémence qu’elle a prise en affection, puis qui peu à peu s’enfonce dans les profondeurs de l’idée fixe, sacrifiant son temps libre, son travail, ses relations avec ses proches et son fils, et presque sa vie. Nora fascine par son entêtement infini, autant que l’affaire qui la fascine elle-même, créant une forme de mise en abyme que le personnage d’Olivier Gourmet finit par souligner.
À travers ce cas réel, ce film de procès mené avec maestria offre aussi une vraie réflexion sur l’état de la justice française : comment expliquer que plus de 9 ans après les faits, le procès se tienne à partir d’un dossier d’enquête si vide de preuves tangibles ? Comment admettre qu’aucune autre piste que celle de la culpabilité du mari n’ait été creusée, et que les policiers n’aient aucun problème à avouer leur parti pris ? Que veut encore dire le mot justice quand on démarre un procès en affirmant qu’on cherche à juger un homme et non des faits ?
Brillant jusque dans le choix de ses rôles mineurs (India Hair, Roger Souza…), ce film dérangeant n’a fait que renforcer mon intérêt croissant pour le genre du film de procès, déjà avivé cette année par La fille au bracelet.