Samia erre dans la médina de Casablanca à la recherche d’un toit et d’un emploi. Abla finit par avoir pitié de cette inconnue enceinte et l’héberge pour quelques jours, à la grande joie de sa fille, Warda…
Ce film faisait partie de ceux que j’ai loupés en début d’année, et quoi de mieux que d’employer la plateforme de ma médiathèque chérie pour rattraper ce qui est passé entre les mailles du filet sans attendre l’heure des tops et des « mince j’ai raté quoi ? » ?
Le cinéma d’Afrique du Nord est décidément bien riche en pépites sur les dernières années, de Papicha à L’Amour des hommes en passant par Un fils ou Razzia. Et justement c’est Maryam Touzani, l’actrice principale de Razzia, qui réalise cette histoire de femmes.
Elles sont le jour et la nuit, mais au début de l’histoire, elles sont surtout deux femmes qui souffrent : Samia, seule, sans ressources, en fin de grossesse, fait du porte-à-porte en réclamant un emploi ; Abla, veuve, pâtissière, enfermée dans la sécheresse causée par son deuil, fait tourner la boutique sans jamais fléchir. Entre elles, heureusement, d’emblée, il y a Warda. Warda, c’est la petite Douae Belkhaouda, gamine timide repérée dans les rues de la médina, qui illumine le film du rayon de soleil de ses sourires. Son regard concentré quand les femmes pâtissent (les gros plans sur les mains qui travaillent la pâte rappellent Les délices de Tokyo), sa curiosité pour le gros ventre qui renferme un bébé, son amitié immédiate pour la nouvelle venue en font un lien entre les deux femmes malgré elles. Film de portraits, Adam bénéficie de la sublime photo de Virginie Surdej, qui impose une lumière terre de sienne nimbant les visages de gravité. Le montage prend le temps d’observer les visages, ceux des protagonistes comme ceux des inconnu(e)s, à l’instar de cette vieille femme ridée dans la rue. C’est dans ces plans « gratuits » que se niche l’âme du film, une esthétique à la fois proche de la peinture (Samia préparant les rziza en jaune ressemble à la laitière de Vermeer) et du documentaire (la caméra portée suivant Abla et Warda dans la rue). En dépit de quelques plans dans les rues tortueuses du quartier, Adam est avant tout un film d’intérieur, presque un huis clos entre ces trois femmes rassemblées par l’événement à venir : la naissance d’un enfant.
Peu à peu, la glace fond, à mesure que Samia reprend forces et assurances, encouragée par sa jeune amie. Nisrin Erradi lui insuffle un élan de vie, une joie qui la prend au détour d’une chanson de Warda Al-Jazairia, et qui la pousse à confronter Abla pour lui rendre cet élan qui l’a quitté à la mort de son mari. Chacune à son tour a l’occasion de secouer l’autre, de tenter de lui faire percevoir les merveilles d’une vie à laquelle elle renonce : à Abla (Lubna Azabal, digne dans l’intensité des sentiments refoulés), Samia ouvre les yeux sur la possibilité de retrouver l’amour, à Samia, Abla veut prouver qu’elle pourrait garder cet enfant au lieu de le faire adopter. Tout l’équilibre à trouver réside pour chacune dans la frontière entre suggestion et respect des choix de l’autre.
Finalement, après un trio féminin aussi puissant, l’arrivée de l’enfant incarne une rupture, dont on sent bien qu’elle mène d’une façon ou d’une autre à la fin. C’est l’histoire vraie, vécue par la réalisatrice dont les parents avaient recueillie une jeune femme enceinte, qui donne son titre au film et lui impose sa fin, alors que l’essence de l’intrigue semble se jouer ailleurs, dans la relation de confrontation et d’entraide entre les deux femmes.
J’avais adoré ce film magnifique et ses trois actrices poignantes et sublimement justes. Tu en parles super bien et donnes envie de le revoir !
Oui très jolie découverte !