Félix rencontre Alma dans une soirée dansante en plein air, mais la jeune femme part en vacances le lendemain dans sa propriété familiale de Die. Félix entraîne son ami Shérif dans une traversée de la France, direction une semaine au camping pour conquérir la belle…
J’avais découvert le cinéma de Guillaume Brac avec Contes de juillet, un diptyque qui m’avait intriguée par son titre rohmérien, un hommage qui s’inscrivait aussi dans le choix des lieux (Cergy en particulier) et des thématiques très axées sur les rencontres et relations de séduction entre hommes et femmes.
On retrouve dans À l’abordage ces mêmes thématiques, dans une ambiance tout aussi estivale puisqu’il est question d’un départ en vacances à Die, dans un camping au bord de la rivière. Il est encore question de séduction, puisque l’arc narratif qui initie l’intrigue est celui de Félix (Éric Nantchouang), le jeune homme qui désire séduire Alma (Asma Messaoudene). C’est sur son impulsion que démarre le voyage rocambolesque avec son ami Shérif mais aussi Édouard (Édouard Sulpice), le chauffeur Blablacar qui s’attendait à voir débarquer « Shérifa et Félicie ».
Car certes, il y a dans cette semaine de vacances suffisamment de protagonistes pour retrouver le côté rohmérien cher au réalisateur avec des discussions où affleure sans cesse la possibilité de la romance. Alma va-t-elle se laisser tenter par l’impulsivité de Félix, ou lui préférer l’infirmier du camping ? Sa sœur trouvera-t-elle chaussure à son pied ? Shérif et Édouard vont-ils rester « des galériens » comme ils se définissent eux-mêmes ?
Mais c’est aussi l’occasion d’aborder assez finement les réflexes de classe et, dans ce lieu neutre que constitue celui des vacances, de mêler des personnages qui ne se seraient pas côtoyés dans leur quotidien et qui en se découvrant vont avoir l’opportunité de réfléchir à leurs préjugés. On le voit très vite avec les moqueries dont Édouard est victime de la part de Félix, alors que Shérif semble vouloir le traiter avec plus d’ouverture et d’empathie. Ce dernier est d’ailleurs le plus beau personnage du film, le plus à l’écoute des autres et le plus capable d’adaptation pour tenir conversation à chacun(e) et éviter les conflits. C’est un personnage rare au cinéma qu’incarne Salif Cissé et il me paraît important de le souligner : noir, rond, issu d’un milieu modeste, il a le profil d’un sidekick rigolo d’après les codes habituels du cinéma français, mais Guillaume Brac et Catherine Paillé (au scénario) lui offrent la possibilité de montrer autre chose qu’une capacité à générer du comique, et c’est tant mieux.
Certes, j’ai un peu tiqué face au manège de Félix et Alma, car la jeune fille s’excuse un peu trop à mon goût face à la drague lourde façon harcèlement dont le jeune homme la poursuit. Mais le film fait aussi preuve d’intelligence dans l’évolution de cette relation, donnant aux protagonistes l’occasion de réfléchir et de mûrir en comprenant la façon de penser de l’autre.
Très nature, bénéficiant de ses comédien(ne)s inconnu(e)s et de son cadrage documentaire, le film nous emmène en vacances avec de nombreux rires, des réflexions sur la vraie rencontre, celle de l’autre, qui de prime abord ne nous ressemble pas et nous renvoie à notre propre identité (de genre, de classe…) et beaucoup de bienveillance et de douceur. Comme quoi on peut faire un film riche de diversité, drôle sans être moqueur, et c’est très enthousiasmant !