« Chez soi » : la douceur du foyer ?

couverture-livre-chez-soiMona Chollet a toujours été casanière, et se l’est souvent vu reprocher. Elle se penche sur nos habitations et ce qui nous y relie.

J’avais beaucoup entendu parler de Sorcières, que j’ai même offert autour de moi (sans l’avoir encore lu) à sa sortie, mais très peu de Chez soi, le nouvel essai de l’autrice et journaliste Mona Chollet. Je l’ai emprunté à une amie à l’annonce du confinement. Je partais retrouver ma chambre d’enfant pour une durée indéterminée, et j’ai pensé que cette lecture serait de circonstance. Je n’ai visiblement pas été la seule à le penser, car depuis le mois de mars, j’ai vu passer plusieurs comptes-rendus de cette lecture sur les réseaux sociaux.

De fait, c’est impressionnant comme certains passages de ce texte semblent anticiper la crise sanitaire et le confinement, évoquant la claustration dans les appartements sans jardin, la possibilité d’un repli à domicile nécessaire. Mais le livre est bien plus qu’une lecture d’actualité.

En effet, à travers la question de l’habitat, prise au sérieux en tant que telle car tout par de là et y revient (le premier chapitre évoque le tempérament casanier de l’autrice et ses souvenirs d’enfance liés à des recoins chéris propices à la lecture ou à la rêverie ; le dernier s’interroge sur les enjeux contemporains des architectes), Mona Chollet réussit à interroger un grand nombre des paradigmes de nos existences contemporaines.

On trouve des pages sur l’intimité du chez-soi à l’ère des communications numériques (qui fait-on ou non virtuellement rentrer dans notre salon ?), sur l’espace (quelle place faut-il pour se sentir bien chez soi ? Comment offrir à chacun(e) un espace à la mesure de ses besoins en temps de crise économique ?), sur la confrontation entre la rêverie Pinterest et l’appart parisien mal agencé que connaissent nombre de contemporains (doit-on se satisfaire de ce qu’on a ? Est-il viable que chacun(e) s’installe dans une grande bâtisse isolée à la campagne avec son potager ?).

Les chapitres qui m’ont le plus parlée et passionnée sont les plus politiques. D’abord, l’évocation du temps, fascinante de justesse alors que nous sommes nombreux/ses à expérimenter le télétravail ces temps-ci. Pour habiter pleinement son lieu de vie, il faut du temps. Pour l’agencer, l’entretenir, s’y lover, le concevoir autrement que cet endroit où l’on s’écroule épuisé(e) de fatigue après une avalanche de corvées. Ce qui amène immanquablement à une réflexion sur les horaires de travail et l’organisation de celui-ci (je recommande à tous et toutes la lecture de ce chapitre 4 a minima). Puis l’organisation de la cellule familiale (habiter seul(e), en couple, en famille, entre ami(e)s, avec des inconnu(e)s, en communauté…). D’autre part, les tâches domestiques et leur répartition entre hommes, femmes, et employé(e)s de maison. On n’est pas loin de la thématique chère à Emma (la charge mentale) ou à Titiou Lecoq (Libérées ! Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale), et d’ailleurs le ton employé par l’autrice est assez proche de celui de la journaliste et chroniqueuse de Libé et Slate. Limpide, bien que s’appuyant sur des références parfois pointues, le style est volontiers engagé, tantôt ironique (le passage sur la femme qui lit et l’homme qui se brosse les dents) tantôt excédé (la description des supermarchés), tantôt enthousiaste (les projets de type squats décrits avec une certaine candeur). L’ensemble donne l’impression d’un monologue auquel on aurait envie de contribuer, ajoutant ses souvenirs à ceux de l’autrice, comparant nos points de vue sur les questions de fond qui touchent notre quotidien et sur lesquelles nous avons forcément une opinion, nous tous et toutes qui habitons ce monde.

17 commentaires sur “« Chez soi » : la douceur du foyer ?

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  1. C’est la première fois que je lis un avis sur ce livre (j’ai vu passer » Sorcières » plusieurs fois). C’est vrai que durant le confinement, ça semblait de circonstance ! Je suis casanière comme l’autrice, mais pour la première fois je me sentais vraiment chanceuse d’avoir « tout prévu pour ne pas sortir de chez moi », sans le faire exprès évidemment. Chanceuse, car j’estime que c’est un mode de vie comme un autre et que forcément, c’était adapté à cette période compliquée. (Je connais quelques personnes sciemment tournées vers l’extérieur au point de se ficher de leur intérieur qui est juste le lieu d’après travail, et passent très peu de temps chez eux : vacances = étrangers, Week-end = balades que ça soit nature, magasins ou restau. donc c’est aussi un mode de vie dont ils ont été privés ces derniers mois.)

    Malheureusement, tout le monde n’a pas les moyens de faire ce choix (ou ne se sont jamais posé la question, ça vient avec la vie). Toutefois, j’ai lu que les proportions dans les recherches immobilières avaient changé après le confinement … (avant, c’était du 50/50 et en ce moment 60/40 au bénéfice des maisons). Je pense donc pas mal de personnes ont reconsidéré tout cela.

    1. Personnellement je suis très peu chez moi en temps normal, je passe ma vie au cinéma quand je ne travaille pas (ou un peu dehors avec des copines, chez elles etc). Je suis partie me confiner dans la maison où j’ai grandi et je suis très très peu sortie et finalement ma vie de d’habitude ne me manque pas. Pour autant dès que les cinémas auront rouverts je vais me dépêcher de rentrer pour y retourner, car ici il n’y a pas tous les films !

  2. Je suis moi aussi une casanière et je fuis la foule, la ville, le bruit et ma maison est mon nid, mon refuge. Elle est à mon goût, elle est mon reflet, mon image, elle est moi. Ce livre je l’ai commandé à la bibliothèque mais étant donné les circonstances je viens de le mettre sur une liste de suggestions de cadeaux car je veux l’avoir physiquement, qu’il rejoigne mes étagères parce que rien que le titre Chez moi exprime tout de moi….. J’avais lu Sorcières de la même auteure et j’ai hâte de l’avoir pour découvrir tout ce que ma maison dit de moi 🙂

  3. Moi j’ai aussi lu le livre pendant le confinement (ou plutôt semi-confinement en Suisse) et aussi en étant dans le projet d’emménager dans un nouveau chez moi incessamment sous peu, donc c’était vraiment la lecture parfaite qui m’a aidé dans plein de questionnements que j’avais.

  4. (Je m’aperçois que j’avais déjà lu ton article en fait.) En tout cas, il confirme vraiment mon envie de le lire. Je pense que je vais me reconnaître dans certains chapitres et qu’il a de grandes chances de me plaire vu ce que tu en dis. Et la perspective de retrouver le ton qui m’avait plu dans Sorcières est un bonus supplémentaire !

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