Ariane a 50 ans aujourd’hui, mais personne n’est venu pour célébrer son anniversaire. Elle décide alors de partir à l’aventure…
Movie Challenge 2020 : un film avec une scène chantée ou dansée
Il se trouve que ce film était le dernier que nous ayons emprunté en DVD avant la fermeture de ma bien-aimée médiathèque. Anticipant une possible réouverture, je me suis lancée dans le visionnage d’Au fil d’Ariane, alors même que ma dernière découverte de Robert Guédiguian, Marie-Jo et ses deux amours, avait été une vraie déception.
Mais quelque part, ce film avait eu du bon, me préparer à une veine moins sociale de la filmographique du réalisateur, même si certaines thématiques ressurgissent ici subrepticement. Car Au fil d’Ariane est présenté comme une « fantaisie » du réalisateur, c’est-à-dire une œuvre dans laquelle il a laissé libre cours à l’imagination.
De fait, on sent bien une explosion des limites du réalisme marseillais cher à l’auteur. Certes, on retrouve le cadre des ports de la ville côtière, que des cars de touristes du troisième âge viennent explorer. Mais on ne sait pas grand-chose de la vie d’Ariane (Ascaride, évidemment), du métier qu’elle exerce, de celui de son mari, de leur milieu social, des trajectoires de leurs enfants. Ce qu’on suit, ce « fil » c’est le personnage féminin en lui-même, et ce que cette femme délaissée choisit de faire de ses 50 ans, une forme d’introspection voyageuse qui l’entraîne certes pas bien loin géographiquement mais dans un univers bien différent de son salon, le « Café Olympique ». Dans ce petit rade qui nourrit les vieux touristes, le patron (Gérard Meylan) fredonne du Jean Ferrat à longueur de journée, un habitué dit « l’Américain » (Jacques Boudet) au couvre-chef improbable répond « yes » à tout en écrivant le grand livre de l’humanité, et le gardien déprimé (Youssouf Djaoro) hurle à la mort en pensant à ses années au service du zoo de la ville. Le tout sous l’œil avisé de la sage tortue qui trône sur le comptoir.
Évidemment c’est l’occasion de traverser quelques problématiques plus profondes (le rapport aux parents et aux rêves qu’ils ont pu nous transmettre, le deuil de son passé, l’acceptation de l’autre même si certaines parties de sa vie nous déplaisent, la prostitution…), mais globalement le film reste léger, lumineux, coloré. On y trouve des références (à la fin de Marie-Jo et ses deux amours, à la scène de la fontaine de Trevi de La Dolce vita, à Titanic…) mais surtout un univers poétique et décalé, de la perspective de l’immeuble qui ouvre le film à la scène de cabaret où Ariane démontre ses talents de chanteuse, en passant par celle où tous les automobilistes se mettent à danser sur la voix de Rachid Taha. Cette ambiance qui se permet tout, se défie de la réalité, ose montrer la complexité des personnages et du monde sous un prisme souriant aux teintes chaudes, c’est une audace dont aurait bien été capable Pascal Thomas, mais où je n’attendais pas le réalisateur marseillais.
Je me suis régalée du côté délirant de cette fantaisie qui porte bien son nom, de ses scènes chantées et dansées en particulier. J’y ai trouvé chacun très à son avantage, même dans des rôles très courts, comme Jean-Pierre Darroussin en chauffeur de taxi bougon ou Anaïs Demoustier en comédienne désabusée. Mon seul regret, une fin trop sage et facile qui opte pour une explication de cette douce folie.
J’aime beaucoup les films de Robert Guédiguian mais je n’ai pas vu celui-ci. Je trouve qu’il aborde presque à la manière d’un doc la vie des gens, c’est fort et doux à la fois et Ariane Ascaride est toujours épatante ainsi que ses comédiens fétiches 🙂
Celui-ci est moins proche du documentaire justement mais d’habitude c’est ce qui me séduit également, le côté très social, ancré.