« Éternité », vivre et laisser mourir

affiche-film-eterniteValentine épouse Jules, dont elle a rapidement des jumeaux, puis une grande fratrie. Une de ses descendantes nous raconte la vie de cette famille…

Movie Challenge 2020 : un film avec une voix off 

J’avais ce film dans ma liste à voir depuis longtemps, intriguée par son casting de luxe, et je l’avais réservé pour cette catégorie, sachant qu’il disposait d’une narratrice (Tran Nu Yên Khê, vue dans L’odeur de la papaye verte). Et en effet la voix off est quasiment la seule qu’on entend dans un film d’où les dialogues sont presque absents (celui où le personnage joué par Pierre Deladonchamps expose les conditions de vie conjugale à sa nouvelle épouse Gabrielle – Bérénice Béjo – est d’autant plus frappant).

C’est un concept très particulier qui est ainsi mis en œuvre dans ce film adapté d’un roman d’Alice Ferney (L’élégance des veuves). L’intrigue retrace la vie d’une famille, centrée sur des personnages féminins, à travers trois générations et trois portraits de femmes : Valentine (Audrey Tautou), Mathilde (Mélanie Laurent), Gabrielle. Le nombre de personnages secondaires est absolument ahurissant, car dès la génération des enfants de Valentine, les grossesses se succèdent et la fratrie est imposante. Et bien sûr il en va de même (et plus encore) avec son fils Henri et les siens. Je n’ai jamais vu autant d’enfants différents dans un film, il y aurait de quoi remplir une école !

Mais concrètement, la grande majorité de ces personnages sert juste de décor, car leurs personnalités et leurs destins ne sont pas vraiment creusés. En réalité, le film est presque un extrait de registre d’état civil, bâti selon une mécanique bien rôdée : des enfants naissent, des personnages meurent, les défunt(e)s sont chacun(e) célébré(e)s dans des souvenirs aussi vivaces que les scènes actuelles dans leurs couleurs et leur mise en scène, puis le focus se fait sur un autre personnage, et des enfants naissent, etc. L’ensemble forme une sorte d’arbre généalogique qui a pour lui une reconstitution de décors et de costumes d’époque impressionnante, avec des intérieurs chargés et des tenues variées, et une abondance de plans montrant des enfants s’égayant dans des jardins aux couleurs éclatantes. Le travail de la lumière est notable, passant d’un doré doux sur les jours heureux à des bleus froids dans les deuils ou des rouges et des verts étonnants.

Si esthétiquement et conceptuellement le projet de Tran Anh Hung est intéressant car original, sur le fond il y a un côté répétitif, et même si je sais bien que dans la première moitié du XXe siècle, la mort était beaucoup plus présente que de nos jours, entre les guerres et les maladies, le grand nombre de décès coupe très vite court à l’émotion qu’on pourrait ressentir, de même que le côté systématique de l’album de souvenirs.

On a l’impression que le soin apporté à la forme (les jeux de miroir en sont un exemple) a fini par prendre le pas sur le fond du propos. Là où le roman semble s’interroger sur la condition féminine, ici jamais le statut de femme au foyer voire de mère pondeuse n’est remis en cause, la voix off exaltant sans cesse l’amour qui unit tous les couples sans un nuage jusqu’à ce que la mort les sépare et chaque naissance vécue comme un cadeau (on a même droit à un « l’enfant la faisait » au sujet de l’aîné de Mathilde). On ne sait pas bien quoi retenir de l’ensemble, à part une ou deux morts particulièrement remarquables (on aurait presque parlé de Darwin Awards si ceux-ci n’impliquaient pas de ne pas laisser de descendance). C’est joli comme un herbier, dont on étudierait les générations telles des feuilles mortes, mais le tout manque d’émotion et d’une véritable intrigue autre que l’illustration du cycle de la vie : on naît, on meurt, et entre les deux on voit naître et mourir.

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