« Le cerbère blanc », une tête pour vivre, une tête pour aimer, une tête pour mourir

couverture-livre-le-cerbère-blancMathieu et Amandine ont grandi ensemble dans la vallée de Chantebrie. À l’adolescence, ils vivent leurs premiers émois amoureux ensemble, mais une tragédie vient bouleverser Mathieu, qui décide de partir étudier à Paris…

Ce roman était l’une de mes grandes attentes de 2020, car je suis avec grand intérêt la carrière littéraire de Pierre Raufast depuis ma découverte fortuite de La fractale des raviolis il y a cinq ans et demi.

Après quatre livres parus chez Alma, l’auteur clermontois a migré chez Stock, et j’avais hâte de voir ce que ce changement d’éditeur allait changer. Avec Le cerbère blanc on reconnaît certes des éléments de continuité, mais c’est un cycle qui s’achève et une page de tournée. Les fans ne seront pas totalement dépaysés : on reconnaît la vallée de Chantebrie présente depuis le premier opus comme décor majeur, et des références aux romans précédents parsèment l’intrigue, mais de manière plus discrète qu’autrefois.

Surtout, l’auteur semble avoir tenu bride courte à sa faculté de digression extraordinaire. La tendance semblait déjà entamée avec La baleine thébaïde et Habemus Piratam, elle est ici vraiment assumée. Pas de récits enchâssés multiples, à peine quelques anecdotes glissées de-ci de-là. En resserrant le récit autour d’un arc narratif principal, Pierre Raufast se limite à un petit nombre de personnages. Il en résulte une caractérisation plus fine de ceux-ci, qui gagnent à la fois en épaisseur et en profondeur, avec l’opportunité d’un étoffement sur la durée. Ici, Amandine et Mathieu sont les protagonistes majeurs du récit, et ce sont leurs deux voix seules que nous entendons, dans une alternance presque stricte des chapitres.

Ce double point de vue permet à l’auteur de nous démontrer une fois encore son savoir-faire quand il s’agit de manœuvrer une intrigue. Il use cette fois du parallélisme, souligné par endroits par des phrases identiques, pour nous faire découvrir ces deux destins étroitement liés, nous faire miroiter des possibilités qu’il déjoue d’un saut temporel, nous sidérer par des rebondissements bien placés.

Cette maîtrise admirable du temps narratif est en adéquation avec un sujet hautement métaphysique, autour de la vie et de la mort, deux faces d’une même pièce unies par ce qui traverse le récit : l’amour entre Amandine et Mathieu. N’attendez pas pour autant une romance, car la vie peut être cruelle pour ceux qui s’aiment et l’auteur en est bien conscient. On dirait même, au fil de ses œuvres, qu’il assume de plus en plus une fascination pour les tragédies amorcée avec La baleine thébaïde. Mais ce goût du mortifère n’était-il pas déjà en germe dans les raviolis empoisonnés ?

Lutter contre la mort, tel est le destin de Mathieu et c’est réellement cet aspect, incarné en particulier par la géniale idée de « Reborn Corpus », qui m’a procuré un vrai plaisir de lecture. Un peu moins précis qu’à l’ordinaire, l’auteur met toutefois à profit sa capacité à se documenter sur n’importe quel sujet pour élaborer des théories toujours plus farfelues et néanmoins réalistes dans leur description. Parfaitement à l’aise quand il s’agit d’aphoriser le réel (j’ai particulièrement retenu « Les choses ne sont que des condensés d’histoires. »), on pourrait juste objecter – car qui aime bien châtie bien – qu’appliqué aux humains, ce goût de la formule produit parfois quelques généralités moins subtiles sur les différences entre hommes et femmes, dont l’individualité des personnages se serait fort bien passée.

Mais enfin, voici un auteur français qui sait prendre le risque de se renouveler et nous emporter toujours à la suite de ses idées les plus originales, alors j’attends déjà son prochain roman !

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3 commentaires sur “« Le cerbère blanc », une tête pour vivre, une tête pour aimer, une tête pour mourir

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