Célestine quitte Paris pour une place de domestique en province. Madame la prend en grippe et Monsieur lui fait des avances, elle prend de haut la cuisinière et le jardinier la regarde de travers…
Je n’ai jamais été très emballée par l’idée de voir ce film, et pour cause, je ne suis pas spécialement attirée par les films « en costumes ». Qui plus est, j’avais trouvé le dernier film en date de Benoît Jacquot, Dernier amour, particulièrement calamiteux. Et cerise sur le pompon, le rôle principal est tenu par Léa Seydoux, qui me provoque une réaction d’agacement immédiate et épidermique.
C’est mon papa qui m’a répété tout le bien qu’il pensait de ce film, jusqu’à ce que je profite de son passage sur arte pour lui donner une chance. Il est vrai que le long-métrage a quelques arguments. Le premier d’entre eux, c’est le roman qu’il adapte. Très vite, on sent la patte d’un écrivain derrière les répliques bien senties (malheureusement pas toujours bien articulées) qui échappent à la domestique. Octave Mirbeau est un vrai cynique, et n’a pas peur d’écorner les puissants. Si l’adaptation a moins de poids subversif plus d’un siècle plus tard, à l’époque, c’est à la société de ses contemporains que s’en prend l’auteur, et on imagine que cela a dû faire grincer des dents.
Le film suit le livre en adoptant fidèlement le point de vue de la domestique, à travers le regard de laquelle quasiment toute l’intrigue est perçue, à l’exception de quelques plans en contre-champ qui nous permettent d’observer ce qui se trame au fond des yeux de Célestine.
Ce qui m’a plu, c’est évidemment la critique sociale des puissants, les « heureux du monde » dont toutes les tares et tous les ridicules sont soulignés par la présence constante des domestiques, qui sont là aussi bien pour tenter d’échapper aux vices des hommes (ou parfois s’y soumettre en tentant d’en tirer profit), que pour moquer ceux des femmes (le sexisme est à tous les étages). Célestine n’a pas la langue dans sa poche et son intelligence lucide lui vaut des inimitiés, mais c’est aussi ce qui rend le personnage intéressant, car elle semble étonnamment éduquée à raisonner et formuler finement ses idées, pour sa condition sociale.
Les plans sont soignés, de même que les décors et costumes, ce que j’ai surtout observé dans les flashbacks qui nous renseignent sur les précédents emplois de Célestine. Ces scènes sont l’occasion de déclencher davantage le rire (la scène du train) ou l’émotion (l’histoire de Georges), mais dans tous les cas avec un arrière-goût d’amertume, un fond de cruauté qui imprègne toute chose.
La noirceur et le cynisme finisse par infuser au point d’assombrir l’image et de faire évoluer l’ambiance vers un genre de thriller lugubre, avec une histoire de meurtre d’enfant et de crime sexuel, hantée par la figure du peu amène et salement antisémite Joseph (Vincent Lindon, bien plus à l’aise qu’en Casanova). Le tout est aiguillé par la bande-originale mystérieuse et grinçante de Bruno Coulais. Une étude d’un milieu aiguisée, bien menée, et acide à souhait.
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