Geena Davis et son institut de recherches ont mis en avant les discriminations dont les femmes sont victimes à Hollywood. Elle produit un documentaire pour présenter le résultat de ses recherches avec de nombreux témoignages…
Movie Challenge 2020 : un film féministe
Il était évident que j’allais voir ce film, moi qui vois peu de documentaires en général (le dernier en date vu en salles, c’était RBG l’an dernier, au moins j’ai une certaine cohérence dans le choix des thèmes), car son sujet est complètement dans le champ de mes propres réflexions et engagements.
Le film part d’un constat, celui de l’influence des médias et en particulier du cinéma et de la télévision dans la construction des identités individuelles des spectateurs/trices depuis l’enfance. Comme il est dit très justement, ces arts de l’image animé sont si puissants que ce que nous voyons représenté peut influer sur qui nous sommes, et collectivement, sur la société que nous formons.
Or que voyons-nous à l’écran ? Des œuvres créées par et pour les hommes, en majorité (et, même si le sujet premier du film reste la place des femmes, Tom Donahue et ses intervenant(e)s ne se privent pas de remarquer que ce sont essentiellement des hommes blancs hétérosexuels).
C’est un constat que n’importe quel(le) spectateur/trice peut pressentir mais qui est ici appuyé sur des chiffres précis, que l’on doit en grande partie au travail de Geena Davis qui a créé un institut de recherches sur le genre au cinéma, ainsi qu’à Maria Giese et bien d’autres.
Le film réussit à rester rythmé en alternant des témoignages face caméra, des plans montrant les intervenant(e)s dans leur quotidien, des chiffres et citations en blanc sur noir, de courtes scènes de films et séries, et également quelques éléments particulièrement réussis tels que des cases de bande dessinée qui s’animent sous nos yeux, et deux ou trois autres originalités de réalisation que j’ai bien appréciées car elles dynamisent l’ensemble.
Sur le fond, le rappel historique est attendu mais nécessaire : il ne faut pas oublier qu’aux débuts du cinéma la place des femmes était majeure voire majoritaire. Le film explique avec clarté que c’est l’avènement du cinéma parlant et l’arrivée d’investisseurs qui ont réduit la part des studios indépendants (dont beaucoup appartenaient à et employaient des femmes) et consciencieusement constitué une sorte de boys’ club qui a perduré jusqu’à aujourd’hui.
De très nombreuses professionnelles du secteur viennent apporter leur témoignage, et quelques hommes également. L’exemple de la chaîne FX est particulièrement inspirant parce qu’il nous enseigne deux leçons : un homme de pouvoir peut trouver le courage de révolutionner ses pratiques et d’imposer à ses collaborateurs/trices plus de diversité (pas seulement de genre), et choisir de devenir un allié. Et ce faisant, il ne va pas forcément connaître un échec ni une perte de qualité de ses productions, bien au contraire, car les nouveaux shows menés par des équipes féminines ou mixtes, et empreintes de mixité ethnique également, ont connu de grands succès, de même que Wonder Woman, premier film de super-héro(ïne)s réalisé par une femme.
Très instructif et pas du tout rébarbatif, le documentaire Tout peut changer est vraiment capital, pour l’industrie hollywoodienne elle-même, mais aussi l’industrie française qui n’est pas exempte de ce problème. Tout(e) cinéphile ou amateur/trice de séries devrait lui consacrer 1h36 de son temps, car le film nous interroge également sur notre responsabilité et nos pratiques de spectateurs/trices (même si j’aurais aimé voir cet aspect un peu plus développé).