« My fair Lady » : la lutte des classes par la parole

affiche-film-my-fair-ladyEliza est une jeune vendeuse de fleurs ambulante. Elle rencontre par hasard un professeur en linguistique qui fait le pari de lui apprendre à parler aussi bien qu’une Lady et de gommer son accent plébéien en quelques semaines…

Je savais confusément que je verrais ce film un jour, parce que j’aime les comédies musicales et surtout Audrey Hepburn, plus pour ce qu’elle représente et son engagement humanitaire que pour les films dans lesquels je l’ai vue, cela dit.

J’étais clairement rebutée toutefois par la durée du film (166 minutes, au secours). Je l’ai donc lancé en pensant que je n’irais pas jusqu’au bout. Finalement j’ai tenu jusqu’à la fin, mais la dernière heure m’a parue particulièrement longue, et la dernière demi-heure quasiment insoutenable. Vraiment George Cukor laisse traîner comme s’il était payé au nombre de minutes de pellicule utilisées et c’est assez insupportable quand on est habitué au rythme des films contemporains. Mais dans les années 60, on prenait son temps. Rien que la scène d’ouverture, qui montre des spectateurs/trices sortir par salves de Covent Garden après une représentation de Faust, paraît gratuitement interminable. Des plans sur les escaliers bondés, puis sur les portes ouvertes laissant échapper leurs flots de messieurs bien mis et de dames en fourrures, puis des plans sur les voitures à chevaux qui attendent, puis re-les escaliers. Disons qu’il faut s’armer de patience et que l’intrigue se mérite.

Autre raison à la durée du film, les chansons : très longues, et affreusement répétitives en termes de paroles, quand bien même les sous-titres français s’amusent à traduire de 3 ou 4 façons différentes des phrases rigoureusement identiques. Cela dit, les scènes chantées et dansées, même si elles ne sont pas dingues en tant que performances vocales et chorégraphiques, sont bien sympathiques et réveillent les spectateurs/trices à intervalles suffisamment réguliers pour éviter qu’on se perde en route.

Sur le fond, le sujet est pour le coup très intéressant : le professeur considère la façon de s’exprimer (dans le fond mais surtout dans la forme, en termes de tournures et d’accent) comme une marque de son extraction. Autrement dit, pour devenir une dame de la haute société, il suffit de parler comme telle, et c’est ce qu’il compte prouver en enseignant le beau langage à Eliza. La jeune femme n’est pour lui qu’un cobaye dont il ne s’embarrasse pas de percer la psychologie, considérant que, puisqu’elle vient de la rue, elle n’a pas de sentiments. Vous trouvez ce professeur détestable ? Vous avez raison. Henry Higgins est à peu près le modèle du cuistre misogyne qui se croit au-dessus de tout le monde et souhaiterait que la Terre entière lui ressemble (je n’exagère même pas). Même son ami Pickering est régulièrement choqué de ses propos. Mais, de façon improbable pour nous, mais pas du tout pour les films de l’époque (après tout c’était déjà un peu le cas dans Breakfast at Tiffany’s), le personnage féminin est prêt à fondre pour cet homme insupportable qui la traite comme une moins que rien, comme aveuglée par la reconnaissance envers le Pygmalion qui l’a modelée selon ses propres critères, quand bien même cette évolution aurait de quoi la rendre malheureuse, ce dont elle finit par se rendre compte en percevant qu’elle ne sera jamais complètement une Lady mais qu’elle n’appartient plus non plus à son milieu d’origine. Sans grande surprise, la fin est tirée par les cheveux et la morale plus que douteuse, mais le film reste divertissant grâce aux facéties d’une Audrey Hepburn en grande forme, et la réflexion sur l’importance de la façon de s’exprimer dans l’image que l’on renvoie reste très actuelle, à une époque où les débats sur l’orthographe n’en finissent pas et où les recruteurs s’avouent toujours rebutés par des lettres de motivation emplies de fautes (alors même qu’ils n’auraient pas forcément fait mieux).

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