« Lola vers la mer » et vers le père ?

Lorsque sa mère décède de maladie, Lola, jeune fille de 18 ans, se retrouve confrontée à son père qui n’a jamais accepté que son enfant soit trans…

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J’avais repéré ce film depuis longtemps, au point de m’être réjouie lorsqu’il avait été annoncé en ouverture du Festival Chéries-Chéris. Malheureusement ma peur des punaises de lit m’avait empêchée d’aller assister à la séance (oui je sais le MK2 a traité ses salles). Je me suis donc rattrapée lors de l’avant-première UGC, et si je n’ai pas bravé ma phobie des nuisibles, j’ai fait fi des galères de transport.

Je suis vraiment contente d’avoir pu découvrir ce film en salles car on sent qu’il est pensé pour l’expérience du cinéma, particulièrement dans le travail du son. Le volume sonore baisse ou augmente au gré des humeurs des personnages et l’iPod de la mère de Lola devient un avatar quasi magique qui lance des morceaux et émet des crachotements censés influer sur la relation père-fille. L’idée est astucieuse et décalée, et donne lieu aux moments les plus marquants du film : la scène grandiloquente de l’orage tonitruant durant lequel Lola dort à l’arrière (et ce joli plan sur ses paupières closes dans le rétroviseur cerné de pluie), le moment de fragile complicité sur « What’s up », hymne LGBT+, de Sense8 à Come as you are. Il y a presque quelque chose du conte de Noël dans cette sorte de présence maternelle qui se manifeste à travers un objet qui, par la musique (mais pas seulement), tente de créer un rapprochement entre deux êtres que tout oppose.

Il faut dire que tout avait bien mal commencé entre Lola (excellente Mya Bollaers, pleine de nuances, de fougue et de grâce maladroite) et son père. Sur la gestion de la relation entre une personne trans et son père, le film m’a semblé assez juste, et malin dans le choix de sa temporalité. Alors qu’il aurait été facile de nous montrer le moment du coming out et du rejet frontal, le film se décale, plus tard, beaucoup plus tard, quand il est en apparence trop tard pour recoller les morceaux, pour reconstruire une relation là où Lola et sa mère avaient réussi à le faire.

Si la réalisation n’est pas toujours aussi inspirée que lors de l’aérienne scène du générique, manquant parfois un peu de relief, on pardonne à Laurent Micheli qui pour son deuxième long-métrage affirme un intérêt pour la question LGBT+ qui dépasse en termes d’engagement et d’exécution ce qu’on a pu voir chez son compatriote Lukas Dhont par exemple. Là où Girl tournait à l’obsession pour les organes génitaux, avec un acteur cis dans le rôle (même si on comprend la complexité du casting avec un tel niveau de danse exigé), Lola vers la mer offre un rôle pudique à une jeune actrice trans que l’on ne voit jamais totalement dévêtue devant la caméra, et c’est tant mieux. La transidentité de Lola n’est pas vraiment un problème pour elle, qui sait qui elle est et souhaite juste pouvoir avancer tranquillement sur son chemin. Ce qui la lui rappelle, c’est la société et le regard d’autrui : le rejet absolu d’un père indigne qui insulte et méprise son enfant, incapable de comprendre ses souffrances passées et d’accepter son épanouissement actuel (Benoît Magimel a rarement été aussi juste que dans ce rôle peu évident), la transphobie ordinaire des institutions et de certaines personnes croisées sur sa route, le coût exorbitant pour une jeune femme à peine majeure des opérations qui peuvent lui permettre de se sentir à l’aise dans son corps.

Le film me paraît éviter les clichés et nous offre un road-trip mouvementé et tourmenté autour de l’empathie et de l’acceptation des membres de sa famille avec leurs singularités, leur passé, leurs émotions.