« Just a kiss », la liberté d’aimer

affiche-film-just-a-kissEn allant chercher sa sœur à l’école, Casim, d’origine pakistanaise, rencontre Roisin, la prof de musique irlandaise. L’attirance est évidente et réciproque, mais Casim est promis à sa cousine Jasmine…

La part des anges et Sorry We Missed You, découverts récemment, m’avaient donné envie de rattraper plus avant la filmographie de Ken Loach et Paul Laverty. J’ai choisi Just a kiss parce qu’il semblait un peu à part dans leur œuvre commune, étant l’un des rares films des deux hommes avec un arc narratif romantique.

Une fois encore, le réalisateur a fait appel à des acteurs/trices novices comme Atta Yaqub et Shabana Bakhsh, mais Eva Birthistle avait déjà un passé de comédienne avant son rôle de prof de musique. Si l’histoire sonne juste, avec un côté proche de la vraie vie, notamment avec la famille de Casim et la vie de l’école privée, on n’est pas tout à fait dans la même veine ultra-réaliste que dans les tout derniers films du réalisateur.

Et pour cause, ici on trouve encore la place pour quelques moments légers (la scène du déménagement de piano par exemple, ou le sort réservé aux chiens tentés de se soulager devant l’épicerie du père de Casim). Mais ce n’est jamais au détriment d’une réflexion aussi fine que multi-facettes. En mettant en lumière ce que l’on appelle couramment un « couple mixte », le cinéaste s’attaque à la fois au sort des minorités opprimées qui ont dû fuir leur pays d’origine (le cas de la famille de Casim après l’indépendance de l’Inde), et à des résonnances beaucoup plus contemporaines de l’impossibilité pour des personnes différentes (d’origine et surtout de religion) de réussir à vivre ensemble (les attentats du 11 septembre ont contribué à inspirer Paul Laverty). L’ensemble compose un film qui donne la parole à chaque partie prenante avec nuance et tape sur tous les stéréotypes et toutes les manifestations de fermeture d’esprit. Aussi bien le racisme crasse des camarades de classe de Tahara au début du film que le communautarisme borné issu des blessures de la famille de Casim, l’intégration des règles au-delà de toute capacité de réflexion de sa sœur aînée, l’enquête de moralité intrusive et nauséabonde du représentant de l’Église catholique, les mesures absurdes et inhumaines de la hiérarchie scolaire…

Même le jeune couple qui attire la sympathie des spectateurs/trices n’est pas exempt de préjugés et de défauts, et c’est aussi en cela que le film est bon. Casim pardonne beaucoup à sa famille de lui causer du tort et du chagrin car il estime que leurs douleurs passées leur en donnent le droit, quant à Roisin, elle est capable de devenir puérile quand elle est blessée, quitte à ne pas admettre l’importance pour son compagnon de ne pas sacrifier ses opportunités professionnelles. Le manque de confiance en l’autre semble aussi inévitable quand chacun subit de tous côtés des pressions pour mettre fin à la relation. Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est qu’à aucun moment les deux amants ne se présentent comme un couple à la Roméo et Juliette : ils ne se jurent pas un amour éternel, ne souhaitent pas forcément se marier, ne promettent pas que leur histoire surmontera tous les obstacles. Ils réclament juste la liberté de vivre leur aventure au jour le jour, même si elle devait prendre fin la semaine ou le mois suivant.

Enfin, sur la romance en elle-même, j’ai été surprise de constater un traitement assez érotique que je n’aurais pas soupçonné chez le cinéaste. Mention spéciale à la scène de cunnilingus (c’est toujours trop rare au cinéma), extrêmement bien cadrée avec un jeu de miroir stylé. Décidément, je n’aurai jamais fini d’admirer Ken Loach…

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