« Une colonie » : comme des enfants, mais pas comme avant

affiche-film-une-colonieMylia entre au secondaire, au désespoir de sa petite sœur Camille. Celle-ci est sauvée d’un chien agressif par un jeune garçon vivant dans la réserve amérindienne voisine. Mylia le retrouve dans sa classe…

J’étais curieuse de voir ce film, dont la signification du titre me paraissait obscure, sans trop savoir pourquoi. Sans doute parce que je m’intéresse pas mal aux œuvres traitant de l’adolescence, même si elles sont parfois loin de ce que j’en attends (je pense à des films très stéréotypés comme LOL).

Mais celui de Geneviève Dulude-De Celles m’a positivement surprise dès l’abord, car la réalisatrice a choisi de se focaliser sur la préadolescence. Souvent, on suit le passage de l’adolescence à l’âge adulte, plutôt au lycée. Mais ici, la petite héroïne, Mylia, entre juste au secondaire (l’équivalent de notre collège) et quitte donc à peine l’enfance. Le résultat est que, sur des problématiques au fond assez proches, le traitement est plus doux.

Mais douceur ne veut pas dire manque d’intensité, loin de là ! La jeune Émilie Bierre, que j’avais déjà aperçue dans Genèse (qui traitait aussi de manière fine de l’adolescence) réussit parfaitement la synthèse d’une tendresse enfantine et d’une inquiétude typique des tourments adolescents. L’actrice est un choix parfait pour incarner cette mue : sous ses traits, Mylia quitte le cocon de l’enfance, se détache peu à peu de ce qu’elle était pour advenir au monde sous une forme nouvelle. Son personnage timide et sage m’a rappelé l’adorable Aimee Finicky de The Spectacular Now, probablement mon ado préférée de cinéma. Comme Shailene Woodley à l’époque, Émilie Bierre dégage une grande justesse, quelque chose de vrai, pur et sincère, qui se ressent aussi dans la relation des deux sœurs. La petite Camille (Irlande Côté) apporte au long-métrage une fraîcheur et une joie de vivre qui irradient et constituent un contrepoint bienvenu à des thématiques parfois douloureuses : l’alcool chez les jeunes, la découverte de la sexualité, le harcèlement scolaire…

Car on ne peut grandir seul : la vie nous confronte au groupe, et c’est là que le titre prend son sens. La colonie, c’est ce groupe d’élèves qui vit dans l’entre-soi, selon ses propres règles. Et dans la façon de filmer les rapports entre les jeunes, au plus près du réel, Geneviève Dulude-De Celles emprunte au talent de Céline Sciamma dans Tomboy, autre grand film de sortie de l’enfance et de construction de l’identité. Mais c’est aussi l’idée de colonisation qui se cache derrière le titre, présente grâce au personnage de Jimmy, l’amérindien qui vit dans une réserve. On tient là un très beau personnage masculin, proche de la nature et des animaux façon Horse Whisperer, capable de défendre ses opinions et d’affirmer sa particularité, celle de ses origines.

La rencontre entre ces deux âmes supérieures est un délice à observer, on sent qu’ils peuvent mutuellement se faire grandir, s’aider à devenir les jeunes gens authentiques qu’ils sont en puissance. Tout cela nous apparaît dans une esthétique soignée et délicate, avec des plans magnifiques dans leur apparente simplicité, l’éclairage sur les visages suffisant à faire jaillir l’émotion trouble de cet âge des possibles. Il y a dans ce film tant de promesses, tant d’espoir d’une vie belle et riche pour ces plus-tout-à-fait-enfants, qu’on en sort bouleversé(e). Au-delà de ce que j’en attendais, Une colonie est plus qu’un film canadien indé dépaysant et doux, c’est un des films les plus poignants et justes sur la préadolescence, dont la conclusion résonnera longtemps en moi.

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