Bruno dirige La Voix des justes et Malik, L’Escale. Avec leurs équipes de jeunes éducateurs, ils reçoivent des adolescents et adultes atteints de formes lourdes d’autisme et tentent de les ouvrir au monde…
C’est peu dire que j’attendais ce film depuis longtemps. Il y a tout juste deux ans, lors de l’avant-première du Sens de la fête, les réalisateurs mentionnaient leur nouveau projet, un film sur les jeunes autistes. J’avais été parcourue d’un frisson : comment réussir à faire rire avec ce sujet si délicat ? Comment ne pas tomber dans le cliché ? Comment éviter le misérabilisme et le malaise ? J’avais pourtant la certitude que le duo Toledano-Nakache était le seul à pouvoir relever le défi. Ce qui ne veut pas dire que je n’appréhendais pas le résultat.
En fait, j’ai pressenti dès les premières minutes que ce nouveau film serait assez différent de leurs précédents en termes de tonalité. Comment ne pas sembler inconséquents en abordant avec légèreté un tel sujet ? Eh bien en remisant au placard la légèreté. Clarifions ce point d’emblée : Hors Normes n’est pas une comédie. Ça ne signifie pas que le film ne comporte aucune scène de comédie ni aucun ressort comique, évidemment (on peut compter sur Alban Ivanov pour les moments les plus drôles) mais ce n’est clairement pas ce qui prédomine.
Pour rendre hommage aux vrais éducateurs et dirigeants d’association dont ils s’inspirent et qu’ils connaissent de longue date, les cinéastes habitués aux sujets de société depuis Intouchables et Samba ont ici franchi un cap. Le réalisme et le sérieux avec lequel le thème est abordé, avec le choix de vrais éducateurs et de vrais jeunes autistes dans leurs propres rôles (mention spéciale à l’inénarrable Benjamin Lesieur) tend vers le cinéma social, celui qui dévoile les travers de notre société, ici son incapacité à inclure ces personnes neuroatypiques, à leur trouver une place dans la société autrement qu’attachées entre quatre murs. On se croirait à mi-chemin entre un film de Grand Corps Malade et Mehdi Idir et un long-métrage de Thomas Lilti, dans un cinéma qui pointe du doigt et interroge, avec quelques dialogues savoureux et souriants pour faire passer la profondeur douloureuse de son message.
Tous les ans le sujet de la prise en charge ressurgit à l’occasion de la rentrée scolaire : que faire des enfants et adolescents qui ne peuvent intégrer le cursus classique ? Ici le scénario va plus loin avec des cas particulièrement lourds et la question des adultes que deviennent ces enfants. Le trio Hélène Vincent-Benjamin Lesieur-Vincent Cassel est extraordinaire de justesse et de sensibilité autour de cette question. Je n’avais jamais vu Cassel sous ce jour et je l’ai trouvé vraiment surprenant de finesse dans la peau de cet homme si altruiste et empathique qu’il ne peut se résoudre à renoncer à apporter son aide, et qu’il sacrifie sa vie privée à son engagement auprès des jeunes. La complicité qu’il noue avec eux à l’écran est si évidente qu’il en éclipserait presque Reda Kateb, pourtant très juste également mais moins différent de ce à quoi il nous a habitués.
Porté par la grâce de ses interprètes et une caméra à l’épaule qui capture à la fois l’urgence des situations complexes et la beauté qui jaillit d’une rencontre ou d’un sourire, le film passe outre quelques digressions inutiles, et retombe sur ses pieds avec des scènes d’une beauté folle (le contact avec le cheval, le spectacle de danse). La musique de Grandbrothers ajoute à ces moments bouleversants qui nous tirent des larmes. Mais contrairement à tous les autres films des réalisateurs, cette fois ce ne sont pas des larmes de rire.
J’espère le voir cette semaine 🙂
Tu me diras s’il t’a plu ! 🙂