« Martin Eden », vivre ou mourir de sa plume

affiche-film-martin-edenMartin est matelot. Sur le port, il sauve la mise à un jeune homme menacé par une brute. La famille riche d’Arturo le reçoit pour le remercier. Dans leur bibliothèque il découvre Baudelaire. Elena, la sœur d’Arturo, conseille Martin qui veut s’instruire…

Je crois que je n’ai jamais eu raison plus bizarre d’aller voir un film que pour celui-ci. Je n’ai pas lu le roman de Jack London dont il est librement adapté (l’histoire est transposée en Italie du Sud). Si je suis allée voir ce film, c’est à cause de l’ado que j’étais, qui piquait les CD de sa mère et qui, dans une chanson de Martin Rappeneau (« Roméo meurt »), avait découvert l’existence de ce personnage romanesque. Je ne vous citerai pas les paroles, car elles dévoilent la conclusion du récit.

Je ne savais donc qu’une chose de cette histoire, sa chute. Et sur ce simple élément, je m’attendais à être bouleversée. Au début, j’ai bien adhéré à la proposition du cinéaste. Pietro Marcello, que je ne connaissais pas du tout, livre un film élégant qui mêle au parcours de Martin des images vintage, parfois sépia, souvent délicieusement défraîchies, soit de souvenirs d’enfance du jeune homme (la scène où il danse le rock avec sa sœur aînée est particulièrement adorable), soit de portraits de gens du peuple dont on peut comprendre qu’ils forment le background socio-culturel du héros. Ces « gueules » confèrent à l’intrigue un ancrage social qui se développe au fil du film, allant jusqu’à des discours politiques qui hélas m’ont un peu perdue, étant donné ma méconnaissance de l’histoire politique italienne.

Ce qui m’a plu, en plus de cette proposition esthétique stylée, c’est avant tout le personnage de Martin. Sa candeur, son enthousiasme pour la littérature et sa soif d’apprendre en font un héros extrêmement touchant et sympathique, et Luca Marinelli, avec sa silhouette imposante, apporte un contraste saisissant entre le physique du personnage, qui prend de la place et se fait remarquer, et son côté maladroit face à la famille bourgeoise. Comme un chien dans un jeu de quilles, Martin vient déséquilibrer le quotidien de ces gens riches avec sa naïveté et son franc-parler d’abord, avec ses opinions politiques ensuite. Très vite, on comprend qu’il est destiné à former avec Elena (la française Jessica Cressy, qui n’est pas sans faire penser à Léa Seydoux mais en plus touchante) un couple mal assorti.

L’entêtement du personnage à choisir sa vie, à devenir écrivain envers et contre tout, en dépit de la pauvreté, de la désapprobation d’Elena qui préférerait qu’il trouve une situation stable lui permettant de l’épouser, sont vraiment émouvants. Pourtant à mesure que le film avançait, je me suis sentie de plus en plus déconnectée de son sujet. D’une part parce que l’aspect politique me passe au-dessus, d’autre part parce que l’écriture semble s’effilocher peu à peu, ajoutant des personnages que le film ne prend pas le temps de développer (le poète Briss), aboutissant à une ellipse mal gérée qui donne lieu à des incompréhensions (Que s’est-il passé autour du poème de Briss ? Pourquoi Martin a-t-il épousé Margherita ? Qu’est-ce qui désormais le rend malheureux ?). Tout à coup j’ai eu l’impression qu’il me manquait des clés pour comprendre l’évolution du personnage. Je ne saisissais pas combien de temps avait passé ni pourquoi il semblait si décati alors qu’aucun des autres n’avait physiquement évolué. J’imagine que si j’avais lu le roman, cela m’aurait paru plus clair, mais en l’état, je n’ai pas accroché à cette dernière demi-heure, au point de ne ressentir aucune émotion quant à la décision finale d’un personnage qui s’était petit à petit désincarné à mes yeux.

Cela dit, comme j’ai l’impression de n’avoir pas tout compris, je serais assez curieuse de me plonger dans l’œuvre de Jack London à l’occasion !

12 commentaires sur “« Martin Eden », vivre ou mourir de sa plume

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  1. Martin Eden est le plus beau livre de Jack London et l’un des plus beaux de la littérature anglo-saxonne, donc sa lecture est vivement recommandée.

    1. J’avoue je crois que j’ai rien lu de London, ça pourrait être mon « classique anglo-saxon en VO » de 2020 (pour fin 2019 ça va être « Little Women »).

        1. J’imagine. Ayant déjà lu du Edith Wharton, Dickens, Fitzgerald, Kate Chopin, Brontë sisters et Thomas Hardy, je ne m’inquiète pas trop, au pire je consulterai un dico s’il me manque un peu de vocabulaire.

  2. Je suis en pleine hésitation pour aller voir ce film… J’ai lu le roman en fin d’année 2018 et quel coup de coeur !! L’oeuvre est magistrale, les personnages cohérents et attachants, la fin juste…parfaite. Du coup, quand je vois toutes les libertés prises j’ai peur d’être un peu déçue. Mais bon, je pense que je vais quand même prendre le risque 🙂

    1. N’ayant pas lu le roman je ne sais quoi te dire. C’est souvent compliqué de voir une adaptation d’un livre qu’on a adoré, je comprends ton hésitation !

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