« El Camino », yeah bitch !

Jesse Pinkman s’enfuit lors de la rixe entre ses ravisseurs et Walt. Il doit trouver un endroit où cacher la voiture avec laquelle il a réussi à s’échapper, une peu discrète El Camino…

Honnêtement, je ne pensais pas écrire sur ce film avant de le voir. J’ai dévoré les 5 saisons de Breaking Bad il y a un peu plus de 3 ans, et j’ai toujours eu envie de savoir ce que devenait Jesse, mon personnage préféré depuis le début (et un de mes personnages préférés toutes séries confondues). Cela dit, même si Breaking Bad est une très bonne série, je n’envisageais le « film Netflix » El Camino que comme un épisode allongé, pas comme un long-métrage qui mériterait une chronique à part entière.

Et pourtant, je dois avouer avoir été positivement surprise sur la forme. Sur le fond, sans dévoiler trop d’éléments de l’arc narratif de Jesse, on peut dire qu’il est assez attendu. Vince Gilligan ne prend pas trop de risques, il nous offre exactement ce que nous espérions. Oui, c’est du fan service, en témoignent les flashbacks réguliers qui nous permettent de retrouver pour quelques instants tous les personnages emblématiques côtoyés par Jesse dans Breaking Bad, qu’on les ait laissés morts ou vifs.

Le film reprend exactement là où s’était arrêtée la série, et nous offre comme un bonus la réponse à la question qui nous a hantés depuis des années : Jesse a-t-il réussi à s’en tirer ? Peut-on espérer pour lui une fin heureuse ou non ?

Là où le film surprend, c’est plutôt dans la forme. J’ai été épatée du niveau de maîtrise de Gilligan, qui a vraiment gagné ses galons de réalisateur de film. Déjà, il faut admettre que l’écriture est maline : les flashbacks ne sont jamais gratuits, ils sont intelligemment placés de façon à faire avancer l’intrigue, à révéler des éléments qui nous donnent les clés de compréhension des choix de Jesse dans le film. Le tout se tient très bien, sans s’éloigner de l’univers originel de la série, mais en fonctionnant également en tant qu’entité propre, autour d’un héros fort qui doit lutter contre les obstacles qui s’opposent à sa liberté. Aaron Paul porte ce personnage avec tout l’investissement qu’on lui a connu jusqu’ici, mais aussi une forme de profondeur et de maturité neuve. Même si le film se déroule juste après la fin de la série, on sent que Jesse a mûri, qu’il a traversé une terrible épreuve qui a fait de lui un homme plus méfiant, plus réfléchi. C’est un beau travail d’évolution du personnage, à la fois dans la continuité mais qui ne se repose pas sur ses lauriers.

Surtout, j’ai été très surprise de la qualité technique et esthétique du film. C’est très bien mis en scène et monté, et le cadrage et la photographie sont particulièrement soignés, avec des plans vraiment riches dans leur construction. La vue de dessus de l’appartement de Todd est un bon exemple de cette maîtrise technique qui apporte au film des surprises appréciables pour les spectateurs/trices. Les paysages désertiques sont également très bien mis en valeur dans des plans impressionnants. El Camino allie un scénario assez sobre, mais bien pensé, qui se concentre sur Jesse que la caméra suit de manière intime et intense, et des plans larges sur des paysages comme une ouverture, une respiration avant de retourner à la tension du récit. Le tout nous attrape et nous tient en haleine jusqu’au bout, faisant monter l’émotion à mesure que nos attentes sont satisfaites par les flashbacks et les révélations du récit.

Vince Gilligan est décidément un exemple de showrunner ayant su faire les bons choix pour son œuvre, jusqu’à cet épilogue qui apparaît à la fois comme un cadeau d’adieu destiné aux fans mais également comme une preuve de l’étendue de son talent, presque comme un CV lui permettant d’aspirer à des projets cinématographiques ou télévisuels de haute volée.