Et j’entends siffler « Sibel »

affiche-film-sibelSibel est muette, mais communique grâce à la langue sifflée pratiquée dans son village. Après ses travaux aux champs, elle s’élance dans la forêt pour y débusquer le loup…

Movie challenge 2019 : un film avec un personnage atteint d’un handicap

J’ai mis longtemps à trouver un film pour cette catégorie. Je ne voulais stigmatiser personne, et je me demandais ce qu’il était acceptable de considérer comme un « handicap » et pas une simple différence. Et puis j’ai eu l’occasion de voir Sibel, que j’avais hésité à découvrir en salles (merci la plateforme numérique de ma médiathèque), et j’ai réalisé que ce film pouvait convenir pour cette catégorie.

En effet, Sibel surmonte en apparence très bien son absence de parole. Depuis une fièvre qui l’a laissée ainsi enfant, elle réussit à communiquer avec son père, sa petite sœur et les autres habitant(e)s du village grâce à cette langue sifflée fascinante pour les spectateurs/trices. C’est l’existence de ce moyen de communication qui a inspiré le scénario du film à Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti. Le couple de cinéastes l’a découvert lors d’un voyage, car ce village si particulier existe réellement.

Pourtant, la vie de Sibel est différente de celle des autres. D’un côté, son handicap peut apparaître comme un atout. Il semble évident à la communauté que personne ne voudra l’épouser, c’est presque comme si elle était asexuée, et en tant que telle, a le droit de faire tout ce qui est interdit à sa sœur : sortir tête nue et fusil à la main, seule, où et quand bon lui semble. Elle partage avec son père une complicité virile autour de la chasse à la perdrix, mais doit tout de même à la maison accomplir les tâches domestiques féminines. Mais par ailleurs, Sibel voit son empêchement lié au langage resurgir en tant que problème d’une manière inattendue, lorsqu’elle est confrontée à un individu étranger au village ne déchiffrant pas ses sifflements.

Le traitement de la particularité de Sibel par le scénario est vraiment riche et complexe, montrant son handicap comme une spécificité qui la rend unique. Et être unique, c’est bien souvent être regardé(e) de travers par une communauté soudée autour de rites et principes ancestraux (notamment tout ce qui est lié au mariage avec les cérémonies, le Rocher de la Mariée…). Sibel est à demi incluse seulement, et perd en soutien ce qu’elle gagne en liberté. Ce personnage de jeune femme forte et fascinante est brillamment incarné par Damla Sönmez, qui a appris la langue sifflée pour le rôle (rien que cette information lui attire mon respect). Elle crève l’écran dans ses courses entre les feuillages qui forment un écrin à cette princesse va-nu-pieds de conte de fée.

À la lisière entre le réalisme le plus pur de la vie d’un village retiré de Turquie, empêtré dans ses traditions, le conte façon Petit Chaperon Rouge (mais quel est donc ce loup ?), le film d’apprentissage avec un apprivoisement extrêmement touchant, Sibel offre des plans merveilleux (ce cri muet dans les bois me hantera longtemps) et une héroïne forte qui en fait un exemple d’empowerment féminin.

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2 commentaires sur “Et j’entends siffler « Sibel »

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