Le temps d’un été, tout un groupe d’ami(e)s d’adolescence, aujourd’hui adultes, se retrouvent dans la banlieue où ils ont grandi…
Amanda ayant été un de mes films préférés de l’an dernier, j’étais très curieuse de découvrir le reste de la filmographie de Mickaël Hers. J’avais bien aimé Ce sentiment de l’été qui promenait le deuil au gré des voyages de ses protagonistes.
Ici point de déplacements, mais au contraire, un ancrage dans la banlieue sud-ouest de Paris, où tous les personnages du film ont grandi. Il y a celles qui sont partis et ceux qui sont revenus, et la plupart sont hébergés, de façon plus ou moins temporaire, chez leurs parents. Tous sont devenus adultes en âge, mais pas forcément complètement dans leurs modes de vie, qui fluctuent du couple avec enfant au squattage tranquille chez maman avec petit job d’été à la médiathèque du quartier.
Sur le fond, c’est sans doute le film du réalisateur avec le moins d’action. On est dans la chronique estivale quotidienne comme chez un Rohmer (la présence de Marie Rivière n’y est pas pour rien) ou un Guillaume Brac, le goût des grandes phrases sur les sentiments en moins. Chez Mickaël Hers, les personnages n’agissent pas tellement, ne parlent pas beaucoup, ils se contentent d’être, singulièrement et collectivement, de se regarder, de veiller à ne pas éclater la bulle d’affection dans laquelle ils gravitent.
On s’y laisse glisser avec facilité et sans déplaisir, aidés par le grain impressionniste de l’image façon souvenirs tournés au caméscope de nos enfances, et peu à peu on apprivoise la bande, on en dégage des individualités propres, car chacun trimballe ses problèmes et ses failles. Des thématiques émergent, celle des relations familiales autour des deux sœurs (Lolita Chammah et Stéphanie Déhel) dont le père (Didier Sandre) est gravement malade, celle de la frontière entre amitié et relation amoureuse autour de Vincent (Thibault Vinçon) et Christelle (Dounia Sichov), celle de la dépression qui peut accompagner le début de la vie d’adulte (Thomas Blanchard). Le tout dans une ambiance d’une grande douceur et d’une grande mélancolie, qui a la saveur des souvenirs de moments si heureux qu’on percevait déjà en les vivant la morsure de la nostalgie. On n’est pas si loin des atmosphères chères à la famille Delerm, et si la bande-originale opte pour l’anglais tout au long du film, elle égrène les notes d’un piano triste sans violence.
C’est infiniment tendre malgré les chagrins qui se profilent, et ce mélange de douleur et de la lumière des beaux jours préfigure les films suivants du réalisateur, qui exacerbent à la fois le tragique et le solaire.