Fin XIXe, Marie-France tient l’Apollonide, une maison close où les clients élégants viennent fréquenter Samira l’Algérienne, Clotilde Belle Cuisse, Léa la Poupée… Un jour un client régulier défigure Madeleine d’un couteau, lui laissant le surnom de « la Femme qui rit »…
J’hésitais depuis longtemps à voir ce film. Le sujet m’intriguait et j’étais surtout intéressée par le casting quatre étoiles regroupant Céline Sallette, Adèle Haenel, Jasmine Trinca, Esther Garrel, Hafsia Herzi et bien d’autres. Je me méfiais du côté sordide toutefois, et quand j’ai vu Zombi Child, j’ai compris que le style Bonello risquait de donner un film étrange.
De fait, j’ai été un peu déroutée par cette chronique d’une maison close qui semble vouloir montrer la fin d’un monde. Le générique en noir et blanc et sa musique bien plus moderne que l’époque représentée m’ont déjà pas mal étonnée, mais pourquoi pas. Le film est par la suite plutôt fidèle à la période historique représentée : décors et costumes sont très soignés (le César des meilleurs costumes n’a pas été volé), on découvre des jeux de société de l’époque (celui avec les poires qui soufflent de l’air m’a paru particulièrement amusant), et les problématiques de ce temps sont bien retranscrites (maladies, dettes, difficultés à trouver un emploi pour gagner sa vie pour une femme seule…).
Cependant j’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire. D’une part parce que le très grand nombre de personnages présents à l’écran n’aide pas à se repérer. Les filles de l’Apollonide sont nombreuses, et si certaines jouent un rôle plus important, j’ai mis du temps à cesser de les confondre et à voir chacune se distinguer par son caractère et ses problématiques propres. J’ai surtout retenu Céline Sallette qui incarne l’angoisse du vieillissement, le sentiment d’emprisonnement et l’addiction à la drogue, Adèle Haenel dans un numéro d’automate assez angoissant qui contraste avec le franc-parler sympathique du personnage, et Alice Barnole, que je découvrais ici dans le rôle d’une femme mutilée, considérée comme un objet qu’il faut cacher ou au contraire exhiber pour l’amusement des bourgeois. Son arc narratif est cruel, et d’autant plus que le réalisateur semble prendre un malin plaisir à nous y replonger régulièrement, sans doute pour insister sur le traumatisme vécu.
Mais de manière générale, l’autre élément qui m’a empêchée de vraiment entrer dans l’histoire des filles, c’est la construction du film, qui reprend plusieurs fois les mêmes scènes et les mêmes dialogues sans qu’on comprenne trop pourquoi, se pique parfois de diviser l’écran en quatre scènes plus ou moins parallèles (du coup, on ne sait pas où regarder et on ne voit plus rien), alterne ellipses et flashbacks, rêve et réalité dans un imbroglio qui m’a rendue perplexe. Au final je n’ai pas bien compris le devenir de certains personnages. C’est de toute façon davantage un film d’ambiance qu’une histoire qui nous serait racontée, tant la majeure partie du film est composée de scènes où il ne se passe pas grand-chose, où les filles traînent alanguies au salon, se préparent, boivent et jouent avec les clients. La scène sur « Nights in White Satin » est assez représentative de cette ambiance de stupre mélancolique très fin de règne. Le dernier plan du film corrobore l’idée de fin d’une époque, mais cette dimension aurait pu être renforcée par une écriture plus sobre et moins alambiquée.
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