Après une série d’échecs en tant que metteur en scène, le fantasque Franck décide de se ranger et décroche un emploi de gardien de musée. Il est mis en binôme avec la cynique Sibylle qui le pousse dans ses retranchements…
Je suis allée voir ce film en en sachant très peu sur le sujet, simplement qu’il se déroulait en grande partie dans un musée, et qu’il réunissait Pio Marmaï et Léa Drucker, une association suffisamment inattendue à mes yeux pour me rendre curieuse (rien de tel pour me pousser à voir un film que réunir des acteurs/trices que je n’aurais pas imaginé jouer ensemble).
La scène d’ouverture complètement barrée dans un univers de spectacle vivant qui rappelle Les Ogres m’a un peu effrayée : qu’est-ce que c’était que ce délire ? Allais-je réussir à m’attacher un minimum à ce personnage de metteur en scène fou furieux ?
Et puis j’ai été happée par le décor du Musée des Beaux-Arts de Dijon, véritable personnage du film, et par sa faune hétéroclite. Je venais de voir Perdrix et j’ai trouvé une parenté entre l’équipe des gendarmes du commissariat et celle des gardiens du musée : un ramassis de personnages porteurs d’une folie douce, d’une sorte d’inadaptation au monde qui les rend sympathiques. Ici, j’ai surtout remarqué Mélodie Richard, que j’aimerais voir plus souvent au cinéma tant je la trouve géniale. Son personnage au look mi-punkette mi-hippie, passionnée d’astrologie et d’hypnose, vraie gentille un peu collante, m’a totalement embarquée. J’ai eu au départ plus de mal avec Sibylle, présentée comme profondément antipathique, mais qui révèle peu à peu ses secrets, au gré de la palette de jeu impressionnante de Léa Drucker, ici très loin de son rôle dans Jusqu’à la garde. Elle forme avec Pio Marmaï un tandem truculent autour duquel le scénario brouille les pistes au gré de rebondissements bien placés en dépit de quelques temps morts. Le réalisateur Ronan Le Page cite comme influence Pierre Salvadori et on retrouve en effet un peu l’univers barré d’En liberté, et Pio Marmaï dans un rôle assez proche de type incapable d’entrer dans le moule d’un schéma de vie classique. Franck est « trop » pour un travail plan-plan, même s’il aspire à la normalité dont il espère qu’elle le rendrait plus heureux. Et comme j’ai un faible pour les personnages excessifs, j’ai fini par vraiment m’attacher à ce duo délirant et complexe.
Les scènes extérieures en pleine nature détonne avec le cadre du musée, faisant penser aux Roseaux sauvages ou à Comme un avion (le kayak !) pour leur poésie et l’impression qu’en dehors du monde habité, la douceur et les sentiments peuvent éclore librement.
Ce que j’ai préféré dans ce premier long, c’est tout de même cette façon d’investir les lieux, de faire ressortir les étrangetés baroques du musée, les recoins, les détails des tableaux, les effets de lumière, insistant sur le bizarre jusqu’à le rendre onirique et inquiétant, presque horrifique et sûrement étouffant. La scène du malaise révèle une vraie patte de réalisateur, qui comme son héros semble osciller entre la sagesse d’une comédie rédemptrice et la folie du cinéma de genre. À mon avis le dosage du mélange ne plaira pas à tout le monde, mais à mes yeux c’est très prometteur.