En 1918, Angèle arrive avec sa fille chez Charles, comme infirmière à domicile. L’ancien gradé a été amputé d’une jambe après une blessure de guerre. Il accepte d’héberger cette veuve en échange des soins…
J’ai regardé ce film un peu par hasard, sans appétence particulière, si ce n’est un bon souvenir de Malabar Princess, du même réalisateur. En général je ne suis pas friande des histoires se déroulant pendant les guerres mondiales, mais celle-ci a le mérite de ne jamais nous montrer le front, et de se concentrer sur l’arrière. Pourtant, les deux personnages que l’on suit sont durablement marqués par le conflit mondial. Charles (Olivier Gourmet) a perdu une jambe, et malgré ses réactions d’orgueil, on voit qu’il se sent diminué physiquement et en tant qu’homme et qu’il a perdu le goût de vivre. Quant à Angèle (Georgia Scalliet de la Comédie Française), le père de sa fille, auquel elle n’était pas mariée, a été tué au combat, la laissant incapable d’aimer un autre homme.
Ce qui frappe, c’est la complicité qui s’installe très rapidement entre les deux protagonistes. Une franche camaraderie faite de dialogues savoureux, de petites piques, de blagues souvent à connotation sexuelle, de gages, de petits verres bus le soir après une partie de billard. Bref, une amitié assez virile à laquelle Angèle se prête avec naturel. C’est ce que j’ai apprécié dans ce personnage, son caractère franc et libre, sa façon de faire fi des conventions (après tout Charles est à la fois un homme célibataire et son employeur).
Mais rapidement, l’homme s’éprend de son infirmière et lui demande de l’épouser. Elle craint que tout ne se gâte entre eux et c’est ce qui ne manque pas d’arriver. Pressée de toutes parts et désireuse d’offrir la stabilité à sa fille, Angèle accepte un pacte dont la liste de conditions annonce des problèmes qui vont de façon prévisible tous se réaliser. Du point de vue des rapports homme-femme, le film veut visiblement nous montrer comment ces deux estropiés de corps et de cœur vont s’efforcer de s’appuyer l’un sur l’autre pour avancer, comment leur association peut devenir une force pour chacun et un véritable amour. Pourtant, à l’écran, ce qu’on voit, c’est aussi (surtout ?) le résultat d’une société patriarcale où être « fille-mère » expose à la précarité et aux dangers, où une femme doit forcément accepter de se remarier, où elle doit faire l’effort de se laisser prendre par un homme qu’elle en ait ou non envie, sous peine que celui-ci ne l’insulte ou n’aille voir ailleurs. On remarquera que l’homme, de son côté, ne fait pas beaucoup d’efforts d’imagination et de créativité pour tenter de remédier au problème sexuel qui vient gangrener leur relation. Elle l’avait pourtant prévenu dès le début qu’elle n’éprouvait aucun désir pour lui… mais bien sûr cela semble inconcevable qu’elle ne change pas d’avis. Vous l’aurez compris, j’ai trouvé le personnage masculin peu sympathique, ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas non plus été choquée par certaines des réactions d’Angèle. Mais quoi qu’il en soit, la relation entre les deux me semble tout sauf saine et carrément problématique. Il n’empêche qu’elle est joliment filmée et très bien interprétée.
Beaucoup plus indiscutable, l’aspect esthétique du film est vraiment réussi avec de très beaux gros plans, des chevaux magnifiques, dont le rôle thérapeutique rappelle L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, et des plans sur la nature, qu’elle soit inquiétante dans les rêves d’Angèle ou solaire, habitée par un cerf majestueux.
Typiquement le genre de film duquel mon sens de l’éthique et ma conscience féministe m’empêchent de pleinement profiter, trop au fait des messages problématiques que sa beauté permet de véhiculer.
Un avis mitigé… ma curiosité est piquée.
Ah tu me diras si tu le vois ! 🙂