« Celle que vous croyez » : l’amante double

affiche-film-celle-que-vous-croyezPour espionner son amant Ludo, Claire, la cinquantaine, crée un faux profil Facebook. Sous l’identité de Clara, 24 ans, elle engage la conversation avec Alex, le jeune colocataire de Ludo… 

Ce qui m’a d’abord attirée dans ce film, c’est son intrigue autour des réseaux sociaux, à l’heure où il est envisagé de lever l’anonymat qu’ils procurent. Puis j’ai compris qu’il s’agissait d’une adaptation d’un roman de Camille Laurens. Je n’avais pas lu celui-ci, mais les textes d’elle que j’avais dévorés à 20 ans m’avaient beaucoup marqués, dans leur analyse féminine des rapports amoureux.

Claire : tout part d’elle et revient à elle. Rarement un film aura donné une telle omniprésence et une telle densité à un personnage de femme, qui plus est de femme de 50 ans. Dans ce rôle aux multiples facettes, Juliette Binoche brille, exceptionnelle. Après Sils Maria ou plus récemment Doubles Vies, elle continue d’explorer les frontières entre réel et fiction, et la question du temps qui passe et du désir des femmes. Ici, elle est une femme respectable et cultivée, une enseignante de lettres à l’université, à laquelle la société semble attribuer un rôle défini : celui de la mère célibataire et de l’intellectuelle. Mais quid de sa vie de femme ? On sent dans les choix des sujets qu’elle étudie avec ses élèves (Les Liaisons dangereuses, Marguerite Duras…), comme un écho à ses choix et ce qu’elle vit, que la rébellion intérieure avait déjà commencé : des femmes fortes, qui désirent et contrôlent et ne se résignent pas.

Claire ne veut pas être une victime des hommes pour lesquels sortir avec une fille de 25 ans de moins qu’eux n’est pas un problème mais qui condamneraient une femme, même leur amie, si elle osait coucher avec un homme ayant l’âge d’être son fils. Alors Claire devient Clara. Elle veut croire qu’elle peut changer de peau, avoir l’âge qu’elle veut, l’âge qu’elle a peut-être au fond dans son cœur, en évitant les reflets, qui la cernent presque à chaque plan du film. Certes, ses choix impliquent d’autres qu’elle et ont des conséquences dramatiques. Mais pour autant, impossible à mes yeux de ne pas éprouver avant tout de l’empathie pour ce personnage féminin magnifique.

Avec fascination, Safy Nebbou la filme au sommet de la féminité aussi bien que défaite, au bord des larmes face à sa psy – Nicole Garcia –, qu’elle pousse sans cesse à transgresser les limites en interrogeant ce qui fait écho à son propre parcours, ou dans les bras réels ou fantasmés de ses jeunes amants – Guillaume Gouix et François Civil. Ce dernier offre d’ailleurs une jolie performance puisqu’il n’est pendant toute la première partie du film qu’une voix qui pourtant émeut.

Dans une intrigue à tiroirs et rebondissements, parfaitement maîtrisée et jouant avec les codes du thriller, Safy Nebbou nous interroge sur l’identité, la passion et le rêve, et ce qu’il peut rester à vivre à une femme cinquantenaire. Et c’est bouleversant.

10 commentaires sur “« Celle que vous croyez » : l’amante double

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  1. Un film bouleversant, effectivement, et de très bons acteurs. En plus la structure étonne et la manière de filmer ajoute beaucoup à leur jeu. Et il faut aussi que je lise le livre !

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