Seul contre son oreiller ou en plein discours devant une assemblée, en écoutant de la musique ou au cinéma, de joie ou de peine, pourquoi donc pleurons-nous ? Et avons-nous raison de pleurer ?
Quatre ans après Dans ton corps, c’est au rayon essais que l’on retrouve la plume de Francis Métivier, le philosophe chinonais, avec cette « philosophie des pleurs » (c’est le sous-titre du livre). Un sujet qui m’intéressait en tant qu’ancienne étudiante en philo et grande pleureuse, et en particulier, bien entendu, pour le chapitre sur « le plaisir de pleurer au cinéma ».
En 6 chapitres, l’auteur s’interroge sur les raisons de pleurer : la musique, le cinéma, la joie, le fonctionnement du corps, la peine, la solitude ou le fait d’être ému en public. Facile à suivre, l’essai part généralement d’exemples concrets, que nous avons tous pu vivre (une chanson qui nous évoque une rupture, une chute, la perte d’un ami…) pour nous entraîner vers des conceptions philosophiques, appuyées par des auteurs phares. On rencontre notamment Socrate (pour qui pleurer serait la marque d’une faiblesse contredisant sa pensée), Descartes, Rousseau, Épicure ou encore Bachelard (et ça donne envie de lire ou relire L’eau et les rêves) : si certains passages vous rappellent vos cours de terminale, c’est assez normal. Mais l’intérêt est bien ce sujet, les larmes, jusqu’ici peu traité en philosophie, comme beaucoup de sujets liés au corps, souvent considérés comme mineurs voire impurs, dans une tradition très platonicienne. Or, quand on regarde de près, nombreux sont les auteurs à avoir évoqué les pleurs… et pas seulement en philosophie, car Proust et Rabelais sont aussi de la partie.
On croisera également au fil des pages quelques figures clés de la culture occidentale, allant de Barack Obama au « blond » de Gad Elmaleh. La variété des exemples contribue à la richesse du livre et à son côté accessible : chacun peut retrouver une référence qui lui parle.
Pour ma part, c’est surtout la partie consacrée au cinéma, qui en 6 exemples allant de La Ligne verte à Alabama Monroe, nous explique qu’il est bon et naturel de pleurer devant un film. J’aurais aimé ajouter à la démonstration quelques exemples dans lesquels les pleurs de cinéma ne sont pas forcément tragiques : on peut aussi pleurer de joie ou de soulagement pour des personnages auxquels on s’était attachés, ou simplement d’émotion esthétique ou de gratitude que les films qui nous touchent existent (tous cas de figure personnellement éprouvés par la Madeleine de fauteuil rouge que je suis). C’est d’ailleurs probablement un des atouts du livre, le fait de susciter chez le/la lecteur/trice une envie de développer ses propres exemples, de s’interroger sur ce qui nous fait ou nous a fait pleurer.
Et puis, Francis Métivier glisse entre deux analyses quelques traits d’humour et des remarques toujours bonnes à rappeler, en tête desquelles le fait que pleurer peut être considéré comme « le propre de l’homme », et qu’il est donc ridicule et nuisible de prétendre devant les petits garçons qu’un homme, un vrai, ça ne pleure pas.
Oui, un homme, ça pleure, même en public, même parce qu’on a tué la mère de Bambi. Et c’est tant mieux. Au cas où vous peineriez à assumer pleinement votre sensibilité et vos crises de larmes, cette lecture devrait vous aider à y voir plus clair.
Le sujet semble passionnant ! Je note !
Il l’est !