Mounir a été élevé par le docteur Pinget. Lorsqu’il rencontre Murielle, le médecin propose que la jeune femme s’installe avec eux. Très vite, Mounir et Murielle se marient puis deviennent parents de 3 petites filles…
Avant de découvrir Continuer mi-janvier, j’avais déniché ce film en DVD à la médiathèque et je m’étais dit que c’était une bonne idée de faire connaissance avec le cinéma de Joachim Lafosse. J’avais repéré depuis longtemps L’économie du couple, mais à l’inverse je n’avais jamais entendu parler d’À perdre la raison, alors qu’il a reçu plusieurs prix et a même valu à Émilie Dequenne un prix d’interprétation dans la sélection Un certain regard à Cannes.
Le film est construit comme un long flashback : dès les toutes premières images, le spectateur sait que l’histoire va finir tragiquement, une fin terrible symbolisée par 4 petits cercueils blancs que l’on fait entrer dans un avion. Dès lors nous n’avons plus de doute sur une chose : il y aura des morts, et vraisemblablement des enfants. En réalité on pourrait même aller plus loin dans les éléments à notre disposition pour peu que l’on sache que le film est librement inspiré d’un fait divers qui a marqué la Belgique, l’affaire Geneviève Lhermitte.
Ce qui importe alors, d’un point de vue narratif, ce n’est pas ce qui va arriver, mais comment et pourquoi cela va se produire. Tout le film est fondé sur les interactions entre les personnages, et en particulier les trois principaux : Murielle, son époux Mounir et leur « protecteur » le docteur Pinget. Ces trois personnes vivent les unes sur les autres dans un même appartement, filmé comme un lieu étouffant, rempli par le mobilier, ou la circulation semble difficile et l’espace vital raréfié. Forcément, dans un tel huis clos, les performances des acteurs/trice sont capitales pour faire naître l’atmosphère étouffante et permettre au spectateur d’essayer de comprendre ce qui se noue entre eux. Émilie Dequenne n’a pas volé son prix avec ce rôle de femme fragile dépassée par la situation, prise dans l’engrenage de la maltraitance verbale, des grossesses rapprochées, de l’omniprésence du patriarche qui souffle le chaud et le froid, tantôt proposant son aide et faisant preuve de bienveillance avec les enfants, tantôt se montrant tyrannique, rabaissant et control freak. Cela dit, elle campe un peu le même style de rôle auquel elle nous a habitués, celui d’une femme de condition modeste qui tente de lutter pour se sortir du pétrin. Face à elle, Tahar Rahim tient finalement un rôle assez mineur, celui d’un feignant et d’un lâche qui a eu tellement l’habitude que le docteur Pinget subvienne à tous ses besoins qu’il est incapable ni de lui tenir tête ni de faire quoi que ce soit par lui-même. Le rôle qui m’a vraiment impressionnée, c’est celui tenu par Niels Arestrup, qui apporte beaucoup de complexité à ce personnage a priori détestable.
La fin du film m’a laissée un peu sur ma faim, car j’ai trouvé qu’elle était vraiment rapide, probablement pour éviter un côté trop tire-larmes mais j’ai trouvé que la chronologie s’enchaînait très vite et que c’était techniquement assez peu crédible sur les dernières minutes. Il n’empêche que l’ensemble est assez fort et a le mérite d’une intention louable : vouloir comprendre – ce qui ne veut bien sûr pas dire excuser – un geste monstrueux en rappelant que la personne qui l’a commis était un être humain. Un parti-pris intéressant qui me donne envie de mieux connaître l’œuvre du cinéaste belge.