Guy Boley raconte son père, forgeron depuis sa jeunesse, passionné de boxe puis de théâtre…
C’est la copinaute blogueuse Folavril qui m’a recommandé ce livre chaudement, alors même que je ne connaissais l’auteur que de nom. Lors d’un goûter littéraire, nous avons procédé à un échange de romans de la rentrée, et je me suis plongée dans le court récit de Guy Boley, qui rend hommage à son père.
Il y a quelque chose de très touchant dans la façon dont, à partir de l’image d’un défunt humilié par sa fin, l’écrivain tente de redonner tout son éclat à une figure paternelle originale, riche de multiples passions et d’une volonté de vivre pleinement sa vie. Comme une revanche sur une enfance pas toujours rose aux côtés d’une mère veuve et acariâtre, et sur le refus de lui donner accès à l’éducation qu’il aurait souhaitée, René s’engage à fond dans tout ce qu’il fait. Sa mère l’inscrit à la boxe : il deviendra champion. Son ami Pierrot l’embauche pour le spectacle paroissial : il travaille dur pour tenir le rôle de Jésus, lui qui jusqu’alors grimaçait en diable dans une opérette municipale.
Il y a quelque chose d’émouvant dans le parcours de vie de cet homme passionné, à la fois orgueilleux et modeste, célébrité locale et homme simple. C’est un portrait toujours ambivalent qui se dessine, entre l’homme dans la force de l’âge qui apparaissait comme un Dieu au jeune Guy et le retraité qu’il jugea ensuite parfois avec dédain.
L’auteur ne cherche pas à embellir son rôle, plutôt à se mettre au service de la grandeur paternelle qu’il souhaite restaurer. Cette volonté de mettre en valeur le génie des gens modestes, c’est déjà ce que j’avais aimé chez Jean-Luc Seigle, en particulier dans Femme à la mobylette. On n’est pas si loin de cet univers dans ce portrait réjouissant.
Mais le sujet pourrait sembler déjà-vu si la langue n’était pas si belle. J’ai vraiment beaucoup apprécié le style, qui fait à la fois la part belle à un langage très oral, notamment dans les dialogues entre René et Pierrot, qui comporte des saillies humoristiques par moments, et qui en même temps se fait chant d’éloge funèbre lors d’élans poétiques où la musicalité de la langue berce l’oreille. J’ai par exemple beaucoup aimé cette phrase : « Je sais juste que d’aucuns, âgés de millions d’années, continuent de nous sourire de leur mâchoire osseuse par-delà limbes et limons. »
Le jeu avec la langue en devient dans certaines pages une réflexion sur celle-ci, sur les possibles qu’elle ouvre et ceux qu’elle ferme aussi pour qui ne la maîtrise pas. On sent en tout cas que René aura réussi à transmettre à son fils l’amour des mots, et rien que pour cela, il méritait ce bel hommage.
Belle chronique 🙂 ravie qu’il t’ait plu!
Merci ! =)