Le père Francis officie dans la vallée de Chantebrie et s’ennuie pendant les confessions des paroissiennes du village. Jusqu’au jour où il reçoit la visite d’un mystérieux hackeur venu se repentir de ses péchés…
Depuis La Fractale des raviolis, Pierre Raufast s’est installé comme l’un des auteurs francophones les plus originaux du moment. Avec son univers mi-réaliste mi-décalé et sa vallée imaginaire, où ses textes nous ramènent toujours, il a su créer un monde reconnaissable tout en développant des intrigues diverses. Son premier livre avait fait des récits enchâssés sa marque de fabrique, le deuxième s’orientait vers la réflexion philosophique, le troisième nous invitait à prendre la mer et à découvrir les dessous d’une sombre organisation.
Après de nombreuses lectures de rentrée aux sujets tous plus pesants les uns que les autres, j’attendais comme une parenthèse plus divertissante et légère cet Habemus Piratam. Bien que peu familière de l’informatique, à l’inverse de l’auteur qui se trouve ici dans son terrain professionnel, donc comme un poisson dans l’eau, je n’ai pas tellement appréhendé de me trouver plongée dans cet univers technique. La seule chose que je craignais, c’était que le récit m’attriste comme avait pu le faire son troisième roman plus sombre, La Baleine thébaïde.
Mais ici, Pierre Raufast renoue avec le côté souriant, même si parfois grinçant, de ses premiers livres. Il dissémine d’ailleurs au fil des pages de nombreux indices qui rattachent son dernier-né à l’ambiance de ses précédents ouvrages. On s’amuse des querelles de voisinage qui agitent les grenouilles de bénitier locales, et on suit avec un plaisir non dissimulé, à peine interrompu par les recours nécessaires au glossaire, les péripéties informatiques d’Alexander, le pirate du titre.
Finalement, bien que l’histoire soit située en grande partie dans une église, et qu’il ne soit question de piraterie que numérique, on n’est pas si loin d’un récit d’aventure. Non content d’entrer dans des systèmes et de détourner des données, le black hat, qui officie du côté obscur des forces 2.0, s’éclate à échafauder des plans rocambolesques impliquant des compétences aussi diverses que la manipulation de ses confrères, la drague virtuelle façon ado ou la pose de vitres (bien réelles).
Réjouissant comme un film d’espion bourré de gadgets, le roman n’en est pas moins très sérieusement pensé, avec twist et chute pour ébaubir le lecteur. Et au passage, une peinture iconoclaste de l’institution religieuse et une réflexion douce-amère sur la corruption généralisée.
Un récit qui a de quoi plaire à tous par son rythme enlevé et sa plume à la fois travaillée et facile à suivre. À mettre entre les mains de toutes celles et tous ceux qui aimaient qu’on leur raconte le soir des histoires d’aventures aux rebondissements improbables.
Trois questions à… Pierre Raufast
Pierre Raufast est un fidèle du blog, qui m’a fait une fois encore l’amitié de répondre à mes questions.
- Qu’est-ce qui t’a décidé à écrire sur ton milieu professionnel, après 3 livres assez éloignés de ce secteur ?
En 2015 j’ai assisté à une conférence qui m’a vraiment marquée (en partie décrite dans le chapitre sur le botnet présidentiel). En sortant, je me suis dit qu’il y avait vraiment matière à de chouettes histoires. J’ai alors expérimenté l’histoire de Dimitri dans La Baleine thébaïde. Cela m’a bien plu, mais je me suis dit que je pouvais écrire quelque chose d’encore plus réaliste, loin des clichés et des stéréotypes du milieu.
- Pourquoi avoir choisi pour personnage principal un black hat plutôt qu’un white hat ?
J’imagine qu’un James Bond sans méchant aurait moins d’intérêt ! 🙂
Dans le monde cyber, comme dans une partie d’échecs, ce qui est fascinant est le combat de haute voltige que se livrent les adversaires. C’est plutôt cela qu’il faut retenir, plutôt qu’un point de vue. D’ailleurs, un black hat repenti est-il toujours du côté obscur ?
- Même si la thématique est bien différente, on retrouve de nombreux clins d’oeil à tes livres précédents dans celui-ci. Est-ce que tu considères tes livres comme composant une grande fresque (façon Comédie Humaine) ou est-ce que tu pourrais complètement changer d’univers dans un prochain ?
L’univers thématique est souvent différent. Cela dit, c’est vrai, j’aime ajouter des clins d’œil, des références à mes livres précédents. Je me dis que c’est un « plus » pour les lecteurs attentifs et cela m’amuse beaucoup. Et qui sait, peut-être qu’avec le temps, il y aura une méta-lecture à faire de mes romans… J’aimerais bien une thèse sur « les mœurs et légendes de la vallée de Chantebrie de 1906 à nos jours » 😉
Un grand merci à Pierre Raufast pour ses réponses amicales.
Je vais peut-être finir par devenir curieux, à force. ^^
Hihi !
J’avais adoré la « fractale des raviolis » et votre article, ainsi que l’itv, me donne bien envie de continuer à découvrir l’œuvre de cet auteur.
Une bien bonne idée ! 🙂
J’ai tellement aimé ses autres romans que je ne pose pas vraiment la question pour celui-ci 😀
\o/
A ma grande honte, je dois bien avouer n’avoir jamais entendu parler de cet auteur… Pourtant, le résumé de ce livre me donne terriblement envie! Merci pour cette découverte, je vais me pencher là-dessus un peu plus sérieusement 🙂
Y a pas de honte ! J’espère qu’il te plaira !