« Première année » : la beauté du geste

affiche-film-premiere-anneeBenjamin, fils de chirurgien, arrive en première année de PACES. Il rencontre Antoine, qui triple son année après avoir raté médecine d’une place. Ils deviennent rapidement complices et décident de s’entraider…

Movie challenge 2018 : un film réalisé par un non-réalisateur à l’origine

C’était probablement l’une de mes plus grosses attentes de 2018. L’été dernier, en le découvrant dans le line up du Pacte, j’avais vérifié qu’il était bien pour septembre 2018 et non 2017 tant j’avais hâte de découvrir le nouveau Thomas Lilti, après avoir adoré Hippocrate. Depuis, j’ai vu Médecin de campagne qui a confirmé mon profond respect pour le travail du médecin réalisateur.

Je tiens donc à remercier Le Pacte qui a abrégé mon impatience en me conviant à une projection presse 3 mois avant la sortie du film. Les premières images nous présentent Benjamin chez la psy EN (le nouveau nom des conseillers d’orientation), et nous permettent de percevoir sa finesse et son humour. Puis, nous découvrons Antoine au moment où il se désiste du concours PACES faute de places restantes en médecine, et c’est sa détermination qui saute aux yeux. Avant même que le titre du film s’affiche, j’avais cerné le caractère de ces deux personnages, en quoi ils étaient différents et complémentaires. Et je savais déjà que ce film allait être un coup de cœur, selon mon intuition cinématographique qui frappe deux ou trois fois par an tout au plus.

J’ai beau ne pas avoir fait médecine, j’ai fait prépa, et j’ai retrouvé des souvenirs dans la course dans laquelle s’engage les étudiants, certains sans même en avoir conscience comme Benjamin, arrivé là un peu par hasard, beaucoup pour rendre son père fier. Ce n’est pas un marathon que cette année d’étude retracée d’un œil réaliste, à grand coup d’ellipses pour signifier le temps qui défile. C’est plutôt un sprint, mais un sprint d’une année scolaire. Un an de travail acharné, de doutes, d’épuisement, de rivalité et d’une lucidité qui s’effrite à mesure que les nerfs lâchent, risquant de ruiner les plus grands efforts et les plus belles complicités. Pour le spectateur, c’est une heure et demie de palpitations, au rythme de la bande-son qui résonne comme un pouls précipité par le stress, d’affection pour ces jeunes qui se débattent dans un système de sélection absurde, et d’envie croissante de les voir réussir. Rarement un film m’aura fait éprouver une telle urgence, et on a beau se dire que ce n’est pas un slasher et que personne ne va mourir, on ne peut s’empêcher de penser que tout de même, sur une année, que dis-je, sur deux sessions de concours, ces jeunes gens jouent leur vie (professionnelle du moins). Alors, qui devrait obtenir le sésame ? Celui dont la passion pour le métier est évidente, mais qui ne peut compter que sur lui-même et manque parfois de méthode ? Ou celui qui a tout compris, nage dans ce milieu comme un poisson dans l’eau, apprenant par cœur et établissant des stratégies (« si je ne sais pas je coche B, statistiquement ça fera des points ») ?

Évidemment Thomas Lilti fait de ce film une question politique, comme avec ses deux longs précédents. Ce qu’il interroge, c’est le mode de sélection bête et méchant (« reptilien », dit Benjamin), voire le numerus clausus, et la reproduction des élites cultivées. Y a-t-il encore une place pour l’empathie, pour l’humanité, dans le système des études supérieures ? Avec ses deux héros, le réalisateur tente de conjurer l’individualisme, et on sent que son sujet lui a donné le courage d’oser des plans un peu plus audacieux, des éclairages et des cadrages qui font mouche (notamment le plan, vu dans la bande-annonce, où les deux étudiants dorment au milieu d’une mer de livres), et un montage cadencé qui joue avec nos nerfs pour que, même en ayant une idée de la fin durant le dernier quart d’heure, le spectateur se fasse cueillir par les toutes dernières images.

Construit comme un film de sport (le réalisateur cite Rocky, on pense aussi bien à la nervosité d’un Billy Elliot ou aux scènes de foules d’un Battle of the sexes), Première année n’est pas qu’un film sur la fac de médecine ni même sur l’amitié, c’est une incarnation de la beauté du geste.

Rappel : un CONCOURS est en cours sur le blog jusqu’au 14 septembre pour gagner vos places pour ce film ! 

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22 commentaires sur “« Première année » : la beauté du geste

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    1. Oui ! Je me demande presque si l’actualité ne s’est pas calée sur la sortie du film ! S’il t’intéresse, je fais un concours pour faire gagner des places !

  1. Je n’hésitais pas, j’étais déjà certaine de le voir, mais tu as contribué à faire remonter un peu plus ma hype dessus. J’ai hâte ! ^^

  2. Merci pour ton article et l’enthousiasme avec lequel tu parles du film ! J’aime beaucoup les films de Thomas Lilti, pour de nombreuses raisons. Je serais sûrement allée le voir mais ta critique m’a invitée à en faire une priorité. Et je ne regrette pas ! C’est un film très bien construit, et très bien interprété. Beaucoup de justesse dans la façon d’entrelacer questionnements socio-politiques et intrigue plus intime autour de l’amitié entre ces deux étudiants. C’est un film très parisien mais qui arrive, justement, à montrer comment cet univers est construit par de nombreux codes (y compris géographiques avec le logement, les transports…). Et ça dit une foule de choses sur les relations familiales (les deux pères si différents), le rapport à l’alimentation (les pains au chocolat !), le choix d’un métier… Sur certains points, le film m’a fait aussi penser à Patients de Grand corps malade et Mehdi Idir.
    Tiens, je profite du commentaire pour te conseiller Amin de Philippe Faucon. J’ai eu l’occasion de le voir en avant-première, avec un débat avec le réalisateur, et comme toujours avec ce réalisateur, j’ai beaucoup aimé : beaucoup de délicatesse, de pertinence… Je te le recommande vivement !

    1. Tu n’as pas tort pour le rapprochement avec Patients, que j’avais beaucoup aimé aussi ! Ce sont des amitiés qui naissent dans des cadres si particuliers. Je connais très mal Philippe Faucon et j’avoue que je n’avais pas mis Amin dans ma liste « à voir », mais ton avis me pousse à l’y ajouter ! Merci beaucoup pour cet enthousiasme partagé également !

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