À travers ce troisième album, Ben Mazué s’interroge sur le couple dans la durée, sur le bonheur parfois fragile de construire sa vie avec « la femme idéale »…
Il le dit, Ben Mazué, il est plus à l’aise pour parler de la tristesse que de la liesse, alors forcément, quand on a une vie de famille, un succès qui se confirme avec ce nouvel album et des salles de concert de plus en plus vite complètes, pas facile de continuer à s’inspirer de sa propre expérience pour écrire des chansons.
Et pourtant, après un album narratif qui mettait en scène des personnages sobrement désignés par leur âge, l’auteur-compositeur revient à une inspiration plus intime dans ce nouvel opus. Mais bien sûr, avec sa grâce des mots, il parvient, plus qu’à nous raconter sa vie, à mettre le doigt sur l’universel dans toute relation, de sorte qu’à l’écouter, on a l’impression qu’il est entré en catimini dans nos cerveaux endormis pour analyser nos histoires et les tresser avec la sienne.
Rarement un album n’aura remué en moi tant d’émotions, de souvenirs et de réflexions existentielles. Ces textes ciselés, comme des diamants polis aux arêtes tranchantes, roulent l’amour, la gratitude et la confiance dans nos cœurs, puis, le morceau d’après, ouvrent grand la boîte de Pandore des doutes et des nostalgies. Et c’est beau, cette façon de nous associer à son chemin, et de se faire l’écho de nos vies. Les chœurs, présents sur presque toutes les chansons, sont une façon de nous inclure, de nous impliquer dans ce qui se joue en douze morceaux.
On a beaucoup dit que cet album était un bel hommage à sa compagne, qui incarnerait la « femme idéale » du titre, et de fait, impossible de ne pas admirer le couple qu’on devine entre les lignes. Mais il y a à mon sens plus qu’une déclaration dans ce disque. D’abord, Ben Mazué ose dire que tout n’est pas simple, que les années passées ensemble ne garantissent pas la pérennité de la relation. C’est courageux, d’admettre que rien n’est définitivement acquis, de savoir reconnaître qu’on hésite parfois et qu’on se dit que peut-être, un jour, le bonheur présent ne sera plus.
Surtout, le titre « La Femme idéale » qui donne son nom à l’album est un message fort. Pas une déclaration d’amour sirupeuse comme on en a entendu des centaines dans nos radios depuis la nuit des temps. Non, car Ben Mazué n’est pas un chanteur comme on en fait à la pelle. C’est un artiste d’aujourd’hui, qui saisit si bien les enjeux d’une relation au XXIe siècle qu’il réussit à se glisser dans la peau d’une femme et à envisager son quotidien : gestion de la famille, travail, volonté de remplir tous les rôles, pression sociale… « Tu peux pas », admet Ben Mazué, et rien que pour ça, en tant que femme, je lui dis merci. Car sa « femme idéale » ce n’est pas celle qui réussit à être à la fois « maîtresse hors pair, âme sœur, bosseuse en or, mère, femme, sœur ». Non, c’est celle capable de s’abstraire des carcans pour aller « se réinventer » et « trouver qui [elle] es[t] ».
De cet album, sans conteste l’un des meilleurs de cette année, on retiendra ce titre plein d’empathie, et le brave « J’arrive », shoot d’optimisme. Pour ma part, je reste bouleversée à chaque écoute par « La mer est calme » et « J’attends », comme les deux faces d’une même interrogation sur l’avenir d’un couple. Et la bienveillance qui se dégage de l’artiste nous donne le courage de tirer nos bilans, avec la même honnêteté et le même espoir.