Gabriel Oak, berger du Wessex, tombe amoureux de sa jolie voisine Bathsheba Everdene. Mais alors qu’un accident ruine les espoirs du jeune homme, la jeune fermière hérite d’une grande propriété, qu’elle entend bien diriger seule…
Après avoir beaucoup aimé le film de Thomas Vinterberg, je me suis lancée avec enthousiasme dans la lecture de Loin de la foule déchaînée. Lire ce roman en anglais était pour moi une évidence : je préfère toujours revenir à la source pour mieux apprécier le style de l’auteur, et l’anglais est la seule langue étrangère que je maîtrise assez pour m’octroyer ce plaisir. Et, très honnêtement, je me suis régalée de la plume de Thomas Hardy.
Assez classique, celle-ci offre aux amateurs tous les prérequis du genre de la romance anglaise victorienne : une grande fresque comprenant des descriptions magnifiques de la campagne anglaise du Wessex (un comté inventé par Hardy, inspiré de son Dorset natal), des personnages fougueux et attachants, une peinture psychologique fine et des rebondissements à foison. Bref, un vrai classique anglo-saxon, dans la lignée de Sense and sensibility (Jane Austen), A Room with a view (E. M. Forster) ou même The House of mirth (Edith Wharton).
La particularité de Thomas Hardy est de maintenir ses personnages « loin de la foule déchaînée », c’est-à-dire dans une campagne semée de fermes et de petits villages où il est très peu question des intérêts politiques et familiaux qui agitent parfois les personnages victoriens. Ici, le problème n’est pas de se plier à la volonté de ses parents ou de se faire connaître de telle sommité : Bathsheba Everdene, la jeune femme tant convoitée de Weatherbury, est orpheline et propriétaire d’une ferme. Cette indépendance est un fait très rare pour une jeune femme de l’époque et s’accorde avec un tempérament audacieux et piquant qui étonne aussi bien ses employés que les fermiers des environs.
On comprend que ce soit le personnage de Bathsheba qui ait séduit Thomas Vinterberg, le décidant à se lancer dans l’adaptation du chef-d’œuvre de Thomas Hardy, pourtant très éloigné de son registre habituel. La jeune femme à la fois belle, complexe et courageuse, est sans cesse décrite comme supérieure aux autres femmes et en avance sur son temps dans son désir de ne pas être la propriété d’un homme mais bien la directrice de sa vie. Pourtant, Hardy n’échappe pas à son époque, et même la plus moderne des femmes ne peut s’empêcher de sombrer dans les affres de la passion, reléguant par moments son caractère et son intelligence dans des recoins bien dissimulés. Autrement dit, alors qu’elle professe le goût de la liberté, la jolie fermière n’attend que l’occasion de s’abandonner corps et âme à un homme (et pas forcément au plus approprié…). En cela, l’image que l’interprétation de Carey Mulligan m’avait donnée du personnage n’était pas très éloignée de la Bathsheba du roman.
Heureusement pour elle, la jeune femme peut compter sur le soutien sans faille du dévoué Gabriel Oak. Il ne faut pas s’y tromper, c’est bien lui, le héros du roman, qui apparaît dès les premières lignes et jusqu’au dernier chapitre. Sage, humble et patient, le berger est, sans doute plus que Bathsheba, supérieur à ses semblables. Cela apparaît notamment dans les scènes qui le mettent en présence des autres employés de la jeune femme. Ces moments de convivialité villageoise donnent une toile de fond réaliste au récit et permettent de dévoiler les rumeurs et préjugés qui règnent autour de la jeune propriétaire. Un aspect plein d’ironie et de cruauté qui a été évincé du film, pourtant par ailleurs plutôt très fidèle au récit.
Je dirais que Thomas Vinterberg a vraiment su rendre l’âme du récit, tourné dans le Dorset avec un grand respect du texte original. Mais le réalisateur modernise un peu l’histoire en lui ajoutant plus d’érotisme et d’urgence dans les scènes capitales. Plus lent et comprenant plus de scènes quotidiennes, le roman de Thomas Hardy permet de mieux prendre la mesure de la difficulté pour une jeune femme de prendre seule ses décisions, et réussit à maintenir un certain suspens jusqu’au bout. Un très grand roman qui ravira tous les romantiques.
Il faudra que je le lise! Mais en français plutôt :p En tous cas, la couverture de la version originale est sublime.
En français, comme je le disais ailleurs à Tinalakiller, je conseille la traduction de Thierry Gillyboeuf (éditions Sillage), qui est la seule traduction intégrale à ce jour.
D’accord, merci ! 😉
Comme toi, j’ai lu le roman après avoir vu le film de Thomas Vinterberg et j’avais beau connaître l’histoire, j’ai pris pourtant un plaisir fou à la redécouvrir !
Moi aussi j’ai adoré cette lecture ! Je pense que Oak va trouver sa place au Panthéon de mes personnages de romans préférés. 🙂
Mon père me harcèle pour que je vois le film qu’il a adoré mais je compte lire le livre d’abord 🙂 ! Enchantée de voir qu’il est aussi bon 🙂
J’ai vu le film avec mon père aussi, ça a été un coup de coeur partagé ! 🙂
Tu as très bien rendu l’essence de ce roman, roman que j’avais lu et énormément aimé juste avant la sortie ciné du film (que j’ai adoré également) !
Je n’en avais pas parlé lors de mon propre article, mais je suis tout à fait d’accord avec toi sur la façon qu’à Bathsheba d’être parfois un peu le personnage féminin « hystérique » quand la passion qui la dévore s’échappe d’elle. Tortillement des mains, cris, pleurs, Hardy ne l’a finalement pas épargnée tant que ça. Epoque oblige. 🙂
Oui voilà, la modernité de l’époque n’est pas celle de maintenant concernant l’image de la femme. 😉