Billie, Mathilde et Yann ont en commun d’être perdus dans leur vie et dans la société. Que faire de soi quand on atteint l’âge adulte et qu’on traîne des failles et des doutes ?
Il a fallu la bonne idée de J’ai Lu de rassembler en un volume Billie et La Vie en mieux pour que je me lance dans cette lecture à la fois attendue et redoutée. Attendue, car Anna Gavalda est depuis longtemps l’une de mes auteurs fétiches. Redoutée, parce que la couverture de Billie et les échos que j’en avais eus me préparaient à une déception.
Pourtant, Des vies en mieux a été l’une des meilleures ventes de l’été, et je comprends cet engouement. Sous forme de livre de poche à la couverture acidulée, le roman, ou plutôt les trois nouvelles qui le composent, a pu séduire un plus large public que les versions en grand format.
Et c’est tant mieux. En effet, j’ai eu l’impression à la lecture de ces histoires de retrouver ce que j’avais adoré dans Ensemble, c’est tout : des personnages touchants, à la fois hors du commun et auxquels chacun peut s’identifier, des rencontres inattendues qui bouleversent des vies, souvent pour le meilleur.
Il faut pourtant dissocier chacune de ces nouvelles afin de dire un mot de leurs particularités. Billie s’appelle Billie parce que sa mère aimait la chanson de Michael Jackson. Petite fille d’une famille décomposée logeant dans une caravane, elle est très tôt stigmatisée et acquiert la certitude de ne rien valoir et d’être promise à un avenir de misère. Jusqu’à ce qu’un petit camarade de classe la fasse entrer dans le monde merveilleux de la littérature. J’aurais sans doute préféré que l’œuvre fondatrice pour Billie soit autre chose qu’On ne badine pas avec l’amour, tant Musset a déjà été utilisé à toutes les sauces (de la chanson « Adieu Camille » de Marc Lavoine au film L’Esquive, entre autres). Si ce choix manque à mes yeux d’originalité, la relation entre Billie et Frank a de quoi émouvoir et son évolution peut surprendre jusqu’à une chute assez inattendue. Le style très oral du texte pourra heurter certaines sensibilités littéraires mais prouve que l’auteur n’a rien perdu de sa capacité à donner à chacun de ses personnages une voix propre et crédible.
Mathilde, la protagoniste de la deuxième partie, incarne ces étudiants en manque d’argent et de rêves qui finissent par tout abandonner pour un job insensé qui leur permet au moins de survivre. Elle aurait pu longtemps végéter si elle n’avait pas croisé un étrange garçon silencieux qui aurait pu lui voler 10 000 euros mais les lui a gentiment restitués… La fin est un peu prévisible, et on se demande pourquoi la jeune Mathilde est déjà si désespérée qu’elle s’attache à ce point au premier venu, qui n’est pourtant pas si sympathique.
La troisième partie tourne autour de Yann, et est à mes yeux la plus réussie. Moins mal parti dans la vie que les deux premières, Yann est davantage l’individu lambda qui représente la génération née entre 85 et 90 et son sentiment d’avoir été flouée par le monde. Les réflexions sur l’addiction aux technologies et aux réseaux sociaux font mouche, de même que l’évocation d’un couple formé par défaut, et par peur de vieillir seul. Et puis la figure d’Isaac et son joyeux bazar (on retrouve dans les descriptions la tendance à l’accumulation hétéroclite qui transparaissait dans La Consolante) sont des trouvailles suffisantes pour rendre cette lecture délectable.
C’est donc un bon cru que ce succès estival qui, à travers trois trajectoires modifiées par des rencontres hors du commun, réveille en nous ce bon vieil optimisme cher aux lecteurs d’Anna Gavalda.