Cécile, prof de lettres alcoolique, veille sur ses jeunes voisins, Max et Raphael, cousins opposés et complémentaires. Leur équilibre brinquebalant est perturbé par l’arrivée de leur nouvelle colocataire, Louise, qui rêve de monter une comédie musicale sur Rita Hayworth…
J’ai toujours beaucoup aimé le principe de la comédie musicale, que ce soit sur scène (Notre-Dame de Paris a bercé mes jeunes années) ou au cinéma (des films comme Jeanne et le garçon formidable ou Huit femmes). C’est pourquoi je me réjouissais de lire le nouveau roman de Sophie Bassignac. Je me demandais comment l’auteur avait pu transposer le chant et la danse à l’écrit, et si le roman allait mériter son titre.
La réponse est clairement : non. Je ne sais pourquoi le livre est ainsi intitulé, car il ne contient ni comédie ni musique. Certes, la jeune Louise, fraîchement arrivée de Bordeaux, rêve de brûler les planches parisiennes dans un spectacle qui rendrait hommage à son idole Rita Hayworth, icône des comédies musicales américaines telles que Gilda. Mais ce projet ne suffit pas à définir l’intrigue du roman, et apparaît même finalement comme une trame assez secondaire.
Pour la comédie musicale, donc, on repassera. Passée cette petite déception, je me suis tout de même assez rapidement plongée dans la vie de cet immeuble et dans celle de ses habitants tous plus originaux les uns que les autres. Cette façon de décrire les interactions entre les différents occupants d’un même lieu m’a rappelé la série 44 Scotland Street d’Alexander McCall Smith, dont les premiers tomes m’avaient régalée à l’adolescence. Comme dans le feuilleton écossais, les personnages sont des stéréotypes, presque des symboles : la prof de fac alcoolique qui a renoncé à l’amour, la jeune provinciale naïve qui tombe amoureuse du beau ténébreux invivable, la bourgeoise éthérée, etc. Mais la comparaison s’arrête là.
Car en dépit de son titre, Comédie musicale n’a pas la prétention de faire rire. Le roman se veut plutôt sérieux, malgré quelques petites phrases bien trouvées dont la cruauté m’a réjouie (« Elle pouvait alors fixer son verre ou sa fourchette avec la même empathie que si c’était un enfant mort. »). Passée la présentation des personnages et des lieux, qui forment une cour des miracles romantico-décadente (on se croirait presque dans Les Noces funèbres), l’intrigue se cristallise autour du secret qui unit (et oppose) Max et Raphael, les deux cousins. Malheureusement, il s’agit à mes yeux d’un secret de polichinelle. Dès les premières pages, j’ai fortement soupçonné ce qui se cachait derrière les tics et tocs de l’un et le mutisme de l’autre. Aussi la révélation de la vérité n’a-t-elle pas eu sur moi le même effet que sur Cécile, atterrée par ce qu’elle découvre (on la croyait pourtant ouverte d’esprit jusque-là). J’avoue que le placement de l’enjeu de l’histoire sur le passé des deux hommes m’a un peu agacée. Les personnages féminins me semblaient en effet plus attirants que ce duo de clowns tristes. J’aurais aimé en savoir plus sur le développement du projet de Louise, voir sa fameuse comédie musicale prendre forme sous nos yeux. De même, la glaciale Eva est nimbée d’un mystère que j’aurais aimé voir se dissiper.
Bref, il arrive parfois qu’on projette un peu trop sur un roman ce qu’on en aurait fait à la place de l’auteur pour complètement se contenter de ses choix. Il n’empêche que Comédie musicale développe un bric-à-brac intrigant et des seconds rôles sympathiques que l’on suit sans déplaisir.
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