Après la mort de sa mère et son divorce, Cheryl Strayed a sombré. Jusqu’à ce qu’elle décide de reprendre sa vie en main. Pour cela, une solution radicale : s’engager en solitaire dans le PCT, une randonnée de trois mois reliant le Mexique au Canada…
Forcément, en voyant le titre et la bande-annonce de ce film, j’ai repensé à Into the wild, qui m’avait beaucoup touché en son temps. Il y a chez Cheryl un peu de Christopher au féminin. Une révolte contre la société d’abord, qui se traduit ici par un désir de fuir les tentations coupables : les plaisirs de la chair qui s’offraient à elle sous la forme d’inconnus avec qui elle trompait son mari, mais aussi les délires de la drogue qui la plongèrent dans l’addiction, alors qu’elle croyait être libre d’accepter toutes les expériences si bon lui semblait. Mais aussi une volonté de dépasser ses limites, de faire face à soi-même en s’éloignant des hommes, de comprendre le sens de la vie en éprouvant la solitude la plus totale et la beauté de la nature. Mais de ces deux histoires inspirées de faits réels, il ne faut pas oublier la différence majeure : après son épopée, Cheryl était toujours là pour raconter son aventure…
Car, certes, la nature de Wild est dure et dangereuse. Elle confronte Cheryl à des douleurs physiques : la faim, la soif, la chaleur, le froid ; à des peurs : la nuit, les bêtes sauvages ; à elle-même surtout, dans la solitude la plus complète. Les souvenirs qui hantent la jeune femme lui réapparaissent au détour du chemin sous forme de flashes qui informent peu à peu le spectateur de son passé, et qui lui permettent de cesser de fuir ses maux. En cela, la nature est aussi et surtout un élément positif : elle isole Cheryl de son contexte, lui donnant l’opportunité de ne plus être un miroir tendu à la société mais de révéler sa vraie nature. Fini le temps de la serveuse qui se laissait aborder par les clients, de la droguée, de l’infidèle, de la fille, de l’amie, de la sœur. Dans la nature, Cheryl n’est plus qu’un animal luttant pour sa survie, semblable au chien errant qui lui a donné son nom (« stray dog »). Et, en bonne nourricière, la terre sait toujours lui apporter de quoi subvenir à ses besoins (par exemple de l’eau) lorsque la situation semble devenir critique.
Golden Globe de la meilleure actrice, Reese Witherspoon, à la filmographie jusqu’ici inégale, obtient avec ce rôle une véritable consécration. Un rôle qu’elle a choisi, puisqu’elle produit également le film. Elle y démontre son talent, à la fois forte et fragile, drôle et émouvante, froide et attachante. Les photos projetées durant le générique de fin attestent d’un souci de ressemblance avec la réelle Cheryl Strayed, allant jusqu’à porter les mêmes vêtements. Face à elle, on remarquera Thomas Sadoski, admirable en mari trompé mais ami loyal, et surtout la lumineuse Laura Dern, qui incarne la mère de Cheryl. Ce personnage est particulièrement remarquable : malgré les épreuves de la vie, Bobbi va toujours de l’avant, se réinvente et transmet en permanence de la joie à son entourage. Alors que sa fille n’a pas encore compris que le secret du bonheur résidait en elle-même, Bobbi sait se satisfaire de la simple beauté des choses : un paysage naturel, une balade à cheval, un repas avec ses enfants… Derrière cet éloge d’un bonheur simple se cache aussi une peinture assez sombre de la place de la femme américaine : cantonnées à des travaux peu intéressants, condamnées à ne pas étudier ou alors sur le tard, victimes des violences des hommes ou de leur concupiscence, Bobbi, puis Cheryl, doivent se battre pour exister et être libres de devenir qui elles veulent. Mais dans la nature, hommes et femmes redeviennent heureusement égaux face à la dureté comme à la beauté.