Véronique Poulain a grandi avec des parents sourds. Seule entendante de sa famille, elle raconte les anecdotes émaillant le quotidien depuis son enfance. Son histoire a donné à Victoria Bedos l’idée de « La Famille Bélier » : Paula, 16 ans, interprète pour ses parents sourds-muets éleveurs bovins, se découvre une passion pour le chant…
Paru à la rentrée 2014, Les mots qu’on ne me dit pas a été remarqué par la critique mais malheureusement un peu éclipsé par les prix littéraires. Pourtant, l’ouvrage de Véronique Poulain ne manque pas d’intérêt. Certes, on pourra arguer qu’il est plus proche du témoignage que du roman, mais comme cela semble être la pente suivie par toute la littérature française ou presque actuellement, on ne lui en tiendra pas rigueur. D’autant que la forme choisie est plutôt originale : des chapitres courts, percutants, détachés les uns des autres, comme des îlots de souvenirs qui, pris ensemble, recomposent, bien plus qu’une vision du handicap, l’histoire d’une famille. Une famille pas tout à fait comme les autres, contrainte à des subterfuges pour parvenir à communiquer (allumer et éteindre la lumière pour attirer l’attention, s’équiper d’un téléphone qui déclenche un gyrophare quand il sonne, taper sur l’épaule de quelqu’un quand on s’adresse à lui…). Mais finalement, les sentiments éprouvés par l’enfant sont semblables à ceux qui nous ont tous un jour traversés : l’attachement, l’agacement, l’impression que les parents lui font honte en public, le rêve de changer de famille, la sensation d’être différente et incomprise, la rébellion parfois, l’admiration souvent.
Véronique Poulain connaissait Victoria Bedos pour avoir travaillé avec son père. Sa vie a donné à la scénariste l’idée d’un film, réalisé par Éric Lartigau, qui a fait beaucoup de bruit (sans mauvais jeu de mots) fin 2014 et continue de faire parler de lui. On a dit qu’il s’agissait d’un nouvel Intouchables, car tous deux ont en commun de prouver que l’on peut rire autour du sujet du handicap. En effet, le film reprend les éléments comiques du livre de Véronique Poulain : la jeune fille salue ses parents en les insultant, ceux-ci ne se rendent pas compte à quel point ils sont bruyants, etc. Mais l’élément supplémentaire qui donne une autre dimension au film, c’est la passion de Paula pour le chant. Plus intéressante que son amourette avec le parisien Gabriel ou que les frasques de son amie Mathilde, cette rencontre avec sa voix/e est rendue avec justesse et sensibilité par le jeu de Louane Emera, découverte dans The Voice. Pour un premier film, la jeune fille s’en tire avec brio. Elle est de presque toutes les scènes et dégage beaucoup de vérité et de fraîcheur. À ses côtés, il faut saluer la performance de François Damiens et Karine Viard, drôles et tendres, même si parfois un peu dans l’exagération. En prof de chant obsédé par Michel Sardou, Éric Elmosnino est également truculent. Si le film n’est sans doute pas une révolution cinématographique, il n’en fait pas moins passer un agréable moment et délivre un message positif. On retiendra surtout quelques très bonnes idées de réalisation, telles que l’amuïssement progressif lors du concert des jeunes chanteurs. Plongé dans le silence, le spectateur lit sur les lèvres et observe les émotions sur les visages, se retrouvant ainsi propulsé à la place des parents de Paula.
Un livre et un film qui traitent avec légèreté mais vérité de la surdité et du passage à l’âge adulte.