À 16 ans, Mathis a perdu son père, décédé dans un accident de voiture. Alors que sa sœur aînée décide de fuir le climat familial délétère en devenant archéologue au Mexique et que sa mère Mireille chérit le souvenir paternel, Mathis tente de devenir l’adulte que son père aurait aimé qu’il soit : un « homme à femmes »…
Après un recueil de nouvelles remarquable (Autorisation de pratiquer la course à pied et autres échappées), Franck Courtès signe un premier roman tout en sobriété. C’est une histoire banale, celle d’un jeune homme qui peine à construire sa vie d’adulte suite au décès de son père, mort « soudain et sans le faire exprès ». Un père aimant mais distant, objet d’admiration plus que de complicité, et dont il va dès lors chercher la trace partout : dans les lieux fréquentés ensemble, à travers les manifestations étranges qui peuplent la maison de campagne, dans les souvenirs qu’il réécrit au fur et à mesure qu’ils lui reviennent, auprès de sa famille. Hélas, sa mère et sa sœur ont chacune choisi de vivre leur deuil en solitaire, Vinciane s’exilant au Mexique pour tenter d’oublier, et Mireille se murant dans le culte du disparu.
C’est alors en lui-même que Mathis va tenter de retrouver son père, fort de leur extraordinaire ressemblance physique. Encouragé par Virgile, un ami qui ne lui veut pas que du bien, il se mue donc en séducteur, tombant amoureux d’un sourire à chaque coin de rue, s’offrant des aventures avec les compagnes de ses amis, sans subir ni refus ni scrupules. À ce stade, ce personnage versatile et pusillanime aurait de quoi s’attirer les foudres des lecteurs – et surtout des lectrices. Pourtant il n’en est rien, car l’auteur, en s’infiltrant dans les pensées intimes de Mathis, parvient à le rendre éminemment humain et sympathique. De ce personnage si vivant, on retiendra surtout son amour de la nature, qui s’exprime pleinement dans les pages magnifiques contant sa retraite dans les Cévennes, et une sensibilité à fleur de peau qui lui fait ressentir la présence des esprits et lui donne des cauchemars à la simple explication du nom d’un groupe de rock.
Pour enfin devenir pleinement adulte et laisser son père reposer en paix, plusieurs voies s’offrent à Mathis : se mettre en quête du chauffard responsable de l’accident, fuir Paris, tenter de réconcilier sa mère et sa sœur… Pour le lecteur, la solution est là, évidente depuis la première page : c’est en devenant père à son tour que Mathis trouvera la sérénité. Mais pour cela, encore faut-il rencontrer la femme qui lui fera passer le goût des autres, et la reconnaître…
À l’heure où exofictions et romans déconstruits ont la cote, Franck Courtès ose proposer un récit sobre et touchant comme la vraie vie, dans une langue simple non dénuée d’humour ni d’émotion. Un vrai beau premier roman, à mettre entre les mains de tous ceux qui aiment qu’on leur raconte des histoires sans s’encombrer d’interrogations sur le genre romanesque.