Irving Rosenfeld, escroc spécialisé dans les prêts financiers frauduleux, s’associe à la belle Sydney Prosser. Mais l’agent du FBI Richie DiMaso découvre leur trafic et arrête la jeune femme. Il propose alors un marché aux deux malfaiteurs : l’aider à inculper quatre personnalités corrompues en échange de leur liberté.
Grand perdant des Oscars, American Bluff aurait pourtant mérité une statuette. Moi qui ne suis pas spécialiste du cinéma d’outre-Atlantique, j’ai pourtant guetté l’apparition dans les salles obscures parisiennes du film de David O. Russell, inspiré de faits réels.
Dès les premières images, le ton est donné : un Christian Bale méconnaissable boutonne une chemise à l’imprimé chargé sur son ventre proéminent avant de peaufiner, regard masqué par des lunettes fumées, une coiffure compliquée visant à camoufler sa calvitie bien avancée. En cette fin des seventies américaines, le mot d’ordre est le look bling-bling : chaînes en or, coiffures exubérantes basées sur la suprématie des boucles, avalanche de motifs, vestes en velours jurant avec des cravates bariolées, et toujours ces éternelles lunettes aux verres roses ou bleutés. Les décors ne sont pas en reste : chambres d’hôtels luxueuses et surchargées contrastant avec les appartements miteux qui abritent nos compères (ainsi du lieu où DiMaso cohabite avec sa mère). On s’étonne que le film n’ait pas obtenu l’Oscar des meilleurs costumes ou décors.
L’intrigue, complexe et faisant la part belle aux rebondissements plus ou moins attendus, rappelle d’autres films d’escrocs tels qu’Ocean’s eleven. Malfrats, casinos, sommes d’argent exorbitantes et bluff sont les éléments impératifs de ce genre de succès du box-office. Certes, American Bluff ne surprend pas vraiment dans ce domaine, en alignant tous les ingrédients du genre. Mais si le spectateur peut ressentir un vague effet de déjà-vu, notamment durant le début assez lent du film, le casting quatre étoiles est la clé de la réussite globale du long-métrage.
C’est d’ailleurs l’affiche du film qui m’avait donné envie de le voir. J’avais beaucoup aimé Amy Adams dans Il était une fois, mais il me tardait surtout de découvrir sur grand écran le fameux Bradley Cooper, qui faisait se pâmer mes copines à chaque vision de sa pub pour des glaces, et, plus encore, Jennifer Lawrence, la nouvelle chérie d’Hollywood. Je dois dire que je n’ai pas été déçue. Si tous les acteurs sont excellents dans leurs rôles, de l’escroc un peu beauf qui se découvre une morale en cours de route (Christian Bale) à l’agent du FBI avide de reconnaissance pour qui la fin justifie les moyens (Bradley Cooper), le personnage le plus marquant est à mes yeux celui de Rosalyn Rosenfeld. Ravissante idiote épousée par Irving, elle révèle un bagout qui séduit tous les mafieux et devient la pièce maîtresse du jeu de son mari, qui ne prend que tardivement conscience du potentiel de sa femme. Bien qu’il affirme attendre impatiemment de pouvoir divorcer de cette mégère pleurnicharde, on découvre qu’elle n’a pour l’amadouer qu’à agiter la main dont les ongles vernis diffusent une odeur qui le rend fou. Autrement dit : s’il a l’impression de la tromper et de se jouer d’elle, c’est finalement Rosalyn qui tient les rênes du couple. On ne peut qu’admirer le mélange de vérité et de fantaisie de Jennifer Lawrence, dont la palette de jeu semble infinie. À titre d’exemple, lors de l’arrivée de tous les personnages au casino, la moue qu’elle adresse à sa rivale Sydney réussit à rappeler (en dépit de la beauté juvénile de l’actrice) la grimace de Cruella d’Enfer émergeant d’une flaque de purin.
En plus du carré d’as qui porte le film de bout en bout, signalons la présence d’un personnage important qui insuffle au film une dimension supplémentaire par les questions qu’il soulève sur l’éthique et le pouvoir : Carmine Polito (Jeremy Renner), maire de Camden, prêt à tremper dans les combines les plus louches pour assurer la prospérité de la population dont il est en charge. Son charisme est-il pour lui une façon de séduire les foules pour mieux assouvir son amour des richesses et du pouvoir ? Ou est-il vraiment de bonne foi, victime collatérale du stratagème mis en place par DiMaso et Rosenfeld ? Débonnaire et agaçant, Polito est touchant dans sa chute et offre un visage nuancé de l’homme politique américain, qui permet au film d’éviter le risque du manichéisme.